La Martinique, l'île des songes

La Martinique, l’île des songes : chronique d’une aliénation de nos rêves


“Le rêve antillais induit la notion de réalité, non pas dans le sens d’une réalité intérieure individuelle, mais d’une réalité à venir. C’est dans l’attente de sa réalisation qu’il s’assimile au réel. Tout rêve doit se réaliser.

Quand le symbole est décortiqué, le rêveur sait que dans un avenir proche, l’événement se concrétisera. Le rêve demeure alors dans cette conception première un message. Les conditions serviles anciennes de la société antillaise fournissent aussi des explications à la mise à l’écart de la dépression.

Obligé à produire bon gré l’écart de la dépression sans s’attarder à larmoyer sur sa condition, l’esclave s’est cuirassé.

“Tjenbé rèd, pa moli, si nou moli nou mò” paraît être le slogan le plus significatif à la logique du système. Au risque de surprendre voire de choquer, nous pensons qu’il s’agissait là beaucoup plus d’une décision stratégique que d’un choix délibéré (…)”

Extrait de la sorcellerie des autres, une pathologie de l’envoûtement d’Hélène Migerel

Quelques soit nos opinions, divergences et croyances, les rêves divinatoires, de communication, etc ont toujours eu une place dans notre quotidien. Sauf qu’au lieu d’en parler sans honte ou crainte comme nos aïeux, nou ka fè’y an soumsoum.

“Quand j’ai un problème dans ma vie, il y a un monsieur qui vient me rendre visite en songe. Il a toujours un cigare dans la bouche. Man pa sav ki moun ki la mais en tout cas, je sais qu’il vient pour m’aider.”
Mirette – 55 ans – évangéliste

“Quelque années après le décès de mon père, il est venu me rendre visite. Man pété an kankan épi’y car il avait visité ma cousine juste quelques semaine après son trépas. Bref, maintenant mon père l’a conseille alors qu’il vient babiller dans ma tête, fè moun chié.”
Elisabeth – 41 ans – catholique

“J’avais rêvé d’une dame qui cachait quelque chose dans le jardin de mon frère. Je n’avais pas prêté attention à ce rêve jusqu’au jour mon frère me confesse que le sommeil de sa famille était troublé depuis plusieurs mois. Après analyse, mon rêve indiquait que sa maîtresse avait bel et bien caché quelque chose pour l’emmerder. On m’avait même indiqué comment faire pour rétablir l’ordre dans la maison. Bref, maintenant son ancienne maîtresse est devenue ma compagne et mon enseignante dans le domaine mystique.”
José – 58 ans – témoin de Jehova par intérim

“C’est en étant vodouisant, que j’ai compris la signification de mes nombreux rêves. Grâce à ce savoir, j’ai pu améliorer ma qualité de vie et exploiter mes dons familiaux.”
Laurent – 35 ans – un ancien catholique devenu vodouisant

Après avoir interrogé une cinquantaine de personnes aux profils différents sur quatre ans, il en ressort que :

Les rêves devaient rester secret pour ne pas alerter l’entourage. C’est un sujet qu’on évite d’aborder car ce n’est pas conforme aux religions chrétienne. Mais si la conversation est propice à ce sujet avec une confiance réciproque, les langues se délient facilement.

Les visiteurs dans les rêves étaient toujours des personnes noirs. Point de saints blancs ou Jézikri sur la croix.

“Dans les Écritures, Dieu communique en utilisant les rêves. Il peut très bien prendre l’apparence de ma grand-mère pour me donner les rimèd razié ! Ou était ce le diable pour établir un lien de confiance ?”

Une bonne partie d’entre eux sont confrontés à ce dilemme, est ce l’intervention du Bondieu ou de Papa Djab ?

On peut noter que les plus jeunes ne s’attardent pas sur ce genre de détails, car ils pratiquent leurs religions par tradition. Ils acceptent les messages et appliquent les recommandations sans se soucier de l’enfer biblique. Néanmoins, si le visiteur demande quelque chose en retour, à ce moment sé bagay djab.

” Je suis chrétien mais je crois aussi aux ancêtres”.

Cette affirmation résume le syncrétisme presque conscient qui perdure dans la société martiniquaise.

“Je veux bien découvrir ce savoir oublié, mais je ne sais pas…man pè ! Même si je sais qu’ils ont dit tellement de bêtise sur les pratiques de nos ancêtres”.

Fok-ou sav , pawol dimanch pa pawol lendi. Manman ka fè ich mé pa ka fè santiman ich.


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