le volant du morne-vert

Le volant du Morne-Vert


Eusèbe Léoture était un jeune homme amoureux. Un filet de bave pouvait dégouliner de sa bouche comme un ababa lorsqu’il zieutait avidement les courbes bien prononcées de Caroline, la fille de M. Marotel, le respectable éleveur de lapins du Morne-Vert. Même s’ils étaient fiancés depuis un an, Eusèbe devait calmer la salsa endiablée de son kal lorsque les amoureux se rencontraient derrière la case maudite de Man Hilaire.  Caroline, étant bien la fille de sa mère Josiane, la ravèt légliz en chef de l’église de la commune, elle résistait religieusement aux doigts baladeurs de son fiancé.

—Non Eusèbe, attendons notre mariage, lui disait-elle en lui tapotant ses doigts qui caressaient déjà sa cuisse bien dodue.
— Depuis un an que j’attends, mon amour, mon corps te réclame !          
— Sois patient mon chéri, encore deux mois et nous serons enfin mari et femme.  Tu auras tout le temps d’avaler ceci, répondait-elle, en laissant entrevoir un bout de son sein couleur caramel légèrement brûlé sous un doux soleil. » 

Boug-la té mantjé tonbé léta douvan gwo tété yich moun-lan !Une explosion dans son entrejambe faillit déchirer le beau pantalon en toile que sa mère presque aveugle avait cousu de ses propres mains. Une brave femme oui !

Caroline la coquine partit rapidement, de crainte que son fiancé ne saute sur elle afin de la koké près d’une maison hantée par l’esprit d’une vielle dame réputée pour avoir été un dorlis. La fille Marotel était une jeune femme respectable qui voulait se marier devant le curé aussi vierge que le jour de sa naissance. Assurément et pas peut-être qu’une grossesse avant l’heure provoquerait un cyclone san manman dans sa famille adepte des bondieuseries.

Bandé comme jamais, Eusèbe entreprit de calmer sa tige de canne fap fap en pensant à son kal en train de s’étouffer entre les grosses pastèques de sa fiancée, pleines d’eau et de sucre. Il continua énergétiquement encore et encore malgré les complaintes de la défunte Man Hilaire qui s’échappaient d’une vieille fenêtre en bois : « Vini pran mwen atjelman ti gason ! » susurrait-elle en pleurant.

Koké une défunte ne l’intéressait pas, même si certains hommes se vantaient de visiter la case maudite. Selon eux, cette koukoun trépassée avait le don de rajeunir ses visiteurs. Tjip ! Tout ce qu’Eusèbe désirait, c’était que ses doigts et sa langue explorent le fruit de la passion de Caroline Marotel. Heureusement, son jour de chance arriva plus vite que prévu.

Deux semaines après la dernière rencontre des amoureux, les parents de Caroline devaient quitter au plus vite leur morne pour rejoindre leur aînée en ville. Gisèle, la première de la fratrie souhaitait baptiser rapidement son deuxième enfant avant d’enjamber l’océan. Son mari, Léonce, voulait quitter cette île scélérate et hantée. Ne pouvant pas laisser leur florissant élevage de lapins sans surveillance, Caroline dut y rester afin de s’assurer de la bonne gestion de l’entreprise familiale.

« Mon enfant, soyez bien sage. La nuit, priez le Seigneur et gardez toujours votre porte fermée » lui martelèrent ses parents avant de s’en aller à la hâte.

Les époux, confiants, laissèrent leur sainte fille seule et sans surveillance. Après tout, selon Man Marotel, c’était une enfant née sous la protection de la Vierge Marie. Néanmoins, ils avaient oublié que leur futur gendre était envahi par un ardent désir au lieu des paroles de l’Évangile. Aussi vite que la foudre lors de la période cyclonique, Eusèbe établit un stratagème afin que Caroline vienne se réfugier chez lui.

Pour ce faire, il alla solliciter le don de M. Nimorin, un ancien faiseur de pluie qui avait plongé dans les effluves de l’alcool du jour au lendemain.

—Compère, j’ai besoin que tu provoques un cyclone tout de suite. Grâce à toi, Caroline devra s’abriter sous ma case plus solide que la sienne. Alors compère, donne-moi ton prix ? J’ai beaucoup d’argent, tu pourras t’acheter de nouveaux vents du sud. Ils en vendent à Sainte-Lucie.        
— Non, je n’en veux pas d’autres. Je le ferai si tu me ramènes mes vents du sud, pleura l’ivrogne en se mettant subitement à genoux afin de tendre ses bras vers le sud. Rivini! Way ! Rivini ! sanglota-t-il en hurlant et en déchirant sa chemise élimée. 

Face à cette nouvelle crise de folie, Eusèbe quitta rapidement la case du faiseur de pluie en maudissant ses vents du sud. M. Nimorin pouvait manier les vents du nord et du sud afin de provoquer la pluie, des tornades et même des cyclones. Un don que lui avait transmis son défunt père en lui léguant une petite jarre.

Les vents devaient absolument rester enfermés dans la jarre cachée sous son lit sous peine de s’enfuir. D’après le télédjòl des mornes, lors d’une bacchanale de koko avec Ti Kolobert, le sacristain de la paroisse ; son lit se fracassa et fissura malencontreusement le contenant. De ce fait, les vents du sud eurent le temps de s’échapper en emportant avec eux l’amant de leur maître.

Depuis ce jour, il fit le deuil de son donneur de kal en se noyant dans l’alcool, tout en espérant le retour de l’héritage de son père. Ne voulant absolument pas perdre l’occasion en or de croquer à pleines dents les pastèques de Caroline, Eusèbe se rendit chez un malfaiteur. On l’appelait Zié Tòti. Il était considéré comme le fou qui possédait des yeux de tortue et qui vivait seul sur un morne reculé et dégarni. On disait que la nuit, il se transformait en une tortue volante afin de terroriser les bons chrétiens.

Ses étranges yeux lui conféraient un visage assez effrayant. Eusèbe espérait qu’il accepterait d’effrayer sa fiancée afin qu’elle puisse venir se réfugier chez lui. Une femme seule et démunie était une proie de qualité pour les démons de la nuit :          

—Alors compère, qu’en penses-tu ? Je te donne ces billets si tu réussis à effrayer la fille Marotel. 

Il avait rapidement accepté car de toute sa vie, il n’avait jamais vu autant de billets. Assez pour quitter ce morne maudit afin d’ouvrir un petit restaurant au bord de la mer. Depuis petit, il rêvait secrètement de cuisiner de délicieux plats pour ses clients comme son fameux thon à la sauce mangue verte. Une vie paisible et satisfaisante, loin des mauvaises langues du Morne-Vert qui se moquaient de ses yeux.

Ce n’était pas de sa faute si sa défunte mère Émerante avait été séduite par un esprit tortue. C’était un doux matin du mois d’avril où la rosée matinale avait rafraîchi l’air étouffant du carême. Voulant profiter cette fraîcheur sur la véranda en buvant religieusement son café, Émerante y découvrit une tortue borgne et blessée à une patte arrière.  Pleine de compassion pour cette magnifique tortue à carapace jaune, elle l’adopta afin de la soigner. Quotidiennement, elle lui massait les pattes avec un onguent pour les contusions. Puis elle désinfectait avec délicatesse ses yeux à l’aide de jus de citron.

Au bout de quelques semaines de patience, l’animal ne boitait plus et de surcroit, son œil fermé était maintenant grand ouvert. Depuis, la tortue avait pour habitude d’accompagner sa maîtresse dans son jardin lors de ses cueillettes jusqu’au jour de la Toussaint où à midi pile, l’innocente petite tortue se métamorphosa en un bel homme caraïbe.

—Ma douce, n’aie pas peur de moi.  Je ne suis qu’un damné, susurra-t-il pour apaiser la crise de panique d’Émerante.           
Ou sé ki moun ? An djab ?!        
— Non ma douce, avant que tes aïeux ne foulent cette île, j’étais un grand guerrier. Mais mon envie de conquête m’a conduit à ma perte. Pour me punir, le chamane de mon village m’a transformé en tortue. Je peux revenir sous ma forme humaine qu’au jour et à l’heure de ma naissance.
— Tu resteras comme ça combien de temps?
— Juste deux heures. 

C’est donc ainsi qu’Émerante succomba au charme de l’esprit tortue. Il lui fit l’amour sous un grand pied de maracuja, passionnément et sans lui déboiter les reins malgré la bande qu’il traînait depuis des mois. Lorsque la jeune femme jouit d’extase, un fruit bien mûr tomba pour répandre son jus sur son corps. Il lui lécha et suça tout le corps en s’attardant particulièrement sur le bout des seins.

Un timide gémissement s’échappa. Aussitôt, son amant se retransforma en tortue. Quelques mois plus tard, malgré sa robuste carapace, son guerrier mourut sous les crocs d’une horde de chiens sans maître qui sévissaient dans le quartier. Émerante n’avait pas eu le temps de pleurer de tristesse car son ventre témoignait de l’arrivée imminente d’un enfant. Suzette, la matrone de la commune aida la mère à accoucher de son premier enfant. Lorsqu’elle vit les yeux du nourrisson, elle eut un tressaillement au cœur.

-Oh ma chère Émerante, tu as cédé aux avances d’un esprit tortue. Ton fils en sera marqué à vie » dit-elle, désolée.

Qu’importe, cela ne l’empêcha pas d’aimer et de choyer son unique enfant. D’ailleurs, elle lui souffla aux oreilles son nom secret, Passionnis. Un hommage à son moment passionné avec son amant sous le pied de maracuja. Malgré les critiques et les commérages sur son dos, sa mère l’éleva tant bien que mal en essayant de cacher son don de métamorphose. Certaines nuits, il pouvait se transformer en tortue volante. La malheureuse mourut quelques jours avant son seizième anniversaire. Depuis, il était devenu un jeune homme amer qui avait basculé dans l’obscurité.

Revenons-en aux faits.

Habile et discret, il avait survolé les cases afin d’atterrir sur le toit de la jeune femme. Pendant ce temps, Eusèbe attendait patiemment près de sa fenêtre l’arrivée de sa fiancée en panique. il fit un boucan infernal pour réveiller en sursaut sa victime. Puis il a ordonné aux crabes des environs de s’introduire entre les planches de bois afin d’atteindre la belle peau lisse de Caroline. Un cri d’effroi retentit dans la case. Encore quelques minutes de supplice et elle détalerait vers la maison protectrice de son cher et tendre. Mais au lieu de s’enfuir comme il avait espéré, elle hurla son nom secret : « Passionnis ! Poutji ou ka fè mwen sa ?! »

Aussitôt, il tomba du toit blogodo comme un coco sec balan i soté ! Depuis le chuchotement de sa mère à sa naissance, personne ne l’avait appelé ainsi. Entendre ce nom lui donna des frissons dans tout le corps. Comment diable Caroline pouvait-elle connaitre son nom caché ? I dwèt té ka fè séans !

Elle sortit de sa case complètement chamboulée. Les rayons de la lune lui caressaient les seins sous sa tunique transparente. Il tressaillit face à cette divine vision.

—Comment connais-tu mon nom caché ? C’était un secret entre ma mère et moi.
— C’est ma grand-mère Suzette qui a accouché de ta mère. Elle a entendu ton nom quand ta mère te l’a chuchoté. Ma grand-mère a gardé ce secret pendant tout le reste de sa vie. Mais avant de mourir, elle a été sujette à des crises de démence. C’est lors d’une crise qu’elle me confia ton nom secret en me faisant jurer de ne jamais le divulguer.
— Caroline, je suis désolé, balbutiai-je de honte.
—Je sais que ton cœur est comme le fruit de la passion. C’est le mépris et les moqueries des autres qui l’ont pourri.    
— Je hais tellement mes yeux !        
Poutji ? Tes yeux témoignent de toute la passion que tes parents ont eu l’un pour l’autre. Au moins, tu es unique dans ce bas monde. Les autres sont juste jaloux. 

Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues. Jamais de toute son existence il n’avait entendu ce genre de paroles à son égard, hormis celles de sa mère. Depuis son décès, il avait été le sujet de tous les jurons et des moqueries du Morne-Vert. Contraint de vivre seul et sans amis, il était devenu ce que l’on attendait de lui, le volant des mornes.

Aussitôt Caroline se baissa à sa hauteur afin de planter ses yeux brillants dans son regard étrange : « Oh oui, un grand cœur de maracuja. »

Sous l’effet de son charme, il embrassa la belle bouche pulpeuse de Caroline, quitte à recevoir une gifle monumentale. Mais à sa plus grande surprise, elle ne le repoussa pas, bien au contraire. Elle semblait vouloir se repaître de sa timide bouche. Une bande sans précédent se fit sentir. Avec assurance, elle baissa son pantalon afin de fourrer sa tige de canne dans sa bouche.

Il se laissa faire avec émerveillement. Sans surprise, elle eut la sensation de téter un gros fruit de la passion. Sa langue l’éplucha afin de s’enivrer de sa légère acidité. Les va-et-vient dans la gorge chaude et humide de Caroline l’obligèrent à agripper fermement une mèche des cheveux épais de la jeune femme. Sa tête bascula en arrière sous l’effet de la jouissance imminente.  Ce fut au bord de l’éjaculation qu’elle délaissa son koko pour le guider vers sa landjèt.

La salive le fit glisser rapidement dans son accueillante kòkòt. Il mordit sa langue pour ne pas gémir. Ce fut donc en cette belle nuit sous l’œil bienveillant de Man Lalin que lui, Zié Tòti, avais déviergé la fille Marotel.

Pendant leurs ébats effrénés et sans retenue sur le pas de la porte, la diablesse de l’île les zieutait cachée derrière un calebassier. L’atmosphère de kékèt trempée et de koko senteur maracuja avait attiré sa curiosité diabolique. Cela devait faire bien des années qu’un homme ou une femme ne lui avait pas fait perdre la tête et les sens. Elle les regardait avidement avec une pointe de jalousie tout en caressant sa landjèt dissimulée sous une longue robe dont la soie caressait sa peau frémissante. Elle se promit de prolonger ce moment épicé.

Légèrement confuse après ce moment libérateur et orgasmique, Caroline courut se réfugier dans sa chambre afin de solliciter la clémence de la Vierge Marie face à son péché. Même si elle ne regrettait pas son acte, elle était rongée par la culpabilité car son amour avait toujours été Eusèbe. Assurément et pas peut-être qu’elle se promit d’emporter ce secret dans sa tombe et de prier tous les soirs sans exception avant de se coucher.

Pendant son rituel de rédemption, le jeune homme eut quand même assez de force pour se transformer en volant afin de retourner vers mon morne. Il s’assit stupéfait sur sa berceuse en songeant aux gémissements de Caroline. Jamais il n’aurait imaginé que l’une des plus belles femmes du morne puisse lui offrir sa virginité. Piès !

Plongé dans ses réflexions excitantes, il sentit une main lui caresser le cou. Saisi de surprise, il s’était vivement retourné pour voir une femme à la beauté ensorcelante. La vision de son corps, de sa bouche, de ses yeux, de ses lèvres, de ses cuisses et de sa koukoun provoqua une décharge électrique qui ressuscita sa tige à l’agonie.

« Ma tortue volante, je n’ai qu’une question à te poser. Veux-tu goûter aux plaisirs interdits ? »

Sans même prendre le temps de réfléchir à la demande de la diablesse, il accepta avec reconnaissance en se mettant à genoux afin de lui lécher avidement la kèkèt endiablée. Son odeur l’invitait à la dégustation. La diablesse mit un pied sur la berceuse afin d’ouvrir son champ de sensations humides. Après plus d’un quart d’heure de délices, il se transforma en une grosse tortue volante afin que la landjèt de sa séductrice se frotte dans tous les sens à sa carapace et la lubrifie pour vivre des moments d’extase intenses sur le morne reculé.

Pendant le vol, quelques gouttes de crème de lambi de la diablesse tombèrent même sur le sol et créèrent instantanément un petit étang qui devint un lieu de refuge pour les oujakwa, des esprits kalinagos adorateurs du vice.

Après cette noce diabolique, Caroline épousa en grande pompe son fiancé. Euphorique, Eusèbe mangea sa femme lors de leur première nuit ensemble. Comme promis, il plongea son visage dans les seins à la texture de pain au beurre de son épouse. D’ailleurs, il fut heureux lorsqu’elle lui annonça l’arrivée de leur premier enfant. Mais il déchanta rapidement lorsqu’il vit que son fils avait des yeux de tortue.

Heureusement, avant que les mauvaises langues n’aient commencé leur boucan, la mère de Caroline lui avait rappelé une vieille superstition d’antan selon laquelle si une femme enceinte sursautait en voyant un animal, l’enfant lui ressemblerait.

De plus, Eusèbe avait été témoin de la surprise de son épouse lorsqu’elle vit la nouvelle tortue de la voisine. Étant un homme respecté, le voisinage ne fit point de commentaires sur les yeux de son fils. Et fort heureusement, les neuvaines et les chemins de croix de Caroline permirent à leur fils de grandir avec un regard moins problématique. Mais les parades maternelles ne purent contrer la transformation de cet enfant en tortue volante lors d’une lune descendante.

Texte de Valérie RODNEY
Illustration de Aurélie-Victoire CELANIE


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Un commentaire pour “Le volant du Morne-Vert”

  1. Je me suis régalée comme dab j’ai vécu chaques phrases chaques sensations vraiment Vraiment tu as un don de plus à ton arc ma belle Val Fleur curieuse et rate … ayibobo

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