parole d'un fossoyeur

Paroles d’un fossoyeur en terre créole


Là où pour l’Occident, la mort ne profère aucun message, aucune parole, ici en Guadeloupe (comme dans d’autres cultures non-occidentales), la mort cache les secrets fondamentaux de la vie; elle est source d’un savoir et d’une sagesse.

Laennec Hurbon (Revue CARE n° 5, 1980)

Le cimetière est un lieu très privilégié pour les pratiquants de l’art mystique. En effet, lors des élections et la nuit , nous savons tous qu’il ne faut pas roder dans un cimetière. Tout d’abord quelle personne saine d’esprit irait se promener la nuit dans un cimetière?
Si ce n’est que pour préparer quelque chose comme on dit chez nous « de pas catholique ».

En effet selon les « superstitions », les morts détiennent 90 pouvoirs, ils peuvent faire tantôt « le bien » et tantôt  » le mal ». Néanmoins ils détiennent plus de pouvoir maléfiques par rapport au bien.
Par exemple, provoquer la zizanie entre les vivants, se venger ou avertir un proche d’un danger en lui tirant les orteils du pied la nuit…

C’est pour cela que durant mon enfance je cachais mes orteils. Quand bien même que cela soit un proche, je serai morte de peur sur place…
Bien évidemment , le mort ne fait rien gratuitement. Il demande un service en échange de son savoir. Car le mort est esprit qu’on peut diriger en sachant qu’il faudra s’acquitter de sa dette quelque soit le prix.

C’est en découvrant les œuvres littéraires de Raphaël Confiant que j’ai découvert le mystérieux métier de fossoyeur à la Martinique ainsi que tout le folklore qui en découle. Surtout en lisant particulièrement la Jarre de d’Or de cet auteur qui narre brillamment les secrets des fossoyeurs.
De ce fait nous allons découvrir le savoir et le pouvoirs des morts en terres créole grâce à l’enquête éthno-religieuse de Raphael Confiant (à Basse Point) et son livre la Jarre d’or.

La place du Fossoyeur

Aux côtés des réminiscences amérindiennes et de la greffe hindouiste, la religion chrétienne et le tjenbwa (quimbois) nègre occupent l’essentiel de l’espace religieux à Basse-Pointe.
Notre intérêt était au départ centré moins sur la pratique du métier de fossoyeur en tant que tel que sur le désir d’établir une photographie du syncrétisme religieux créole entre 1987 et 1992.

Nous voulions comprendre, d’une part, comment les Pointois parvenaient concrètement à faire allégeance à des cultes aussi différents et d’autre part si la notion de syncrétisme largement utilisée pour décrire et définir les cultes afro-américains (vaudou haïtien, santeria cubaine, candomblé brésilien, etc.) avait, dans ce cas d’espèce, une véritable pertinence.

Le fossoyeur, de par son positionnement dans le dispositif magico-religieux créole, nous sembla le mieux placé pour nous permettre de comprendre le fonctionnement du syncrétisme, non pas seulement à l’échelle de la société globale mais à celui du croyant/pratiquant.
En effet, à Basse-Pointe, il n’y a ni chrétiens ni hindouistes ni adeptes du tjenbwa mais une communauté qui fait allégeance de manière ouverte au christianisme, semi-ouverte à l’hindouisme et masquée aux pratiques sorcières “nègres”.

Trois continents religieux s’entrechoquent dans l’imaginaire religieux des Pointois: celui de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique. Cela en terre antillaise et donc américaine, où malgré leur “désapparition”, selon le mot d’Edouard Glissant, les Amérindiens et leur culture n’ont pas totalement disparu des gestes quotidiens.

Ainsi les chrétiens les plus zélés n’hésitent pas à “faire des cérémonies de Bondyé-Kouli pour demander des grâces à Nagourmira ou à Maliyémen; les hindouistes les plus fervents font baptiser leurs enfants à l’église chrétienne, organisent leurs communions privée et solennelle et font inhumer leurs parents défunts à la suite d’une messe d’enterrement en bonne et due forme.

Quand aux adeptes du kenbwa – lesquels ne s’avouent jamais comme tels – ils prennent l’hostie à la messe le dimanche et participent incognito aux fêtes rituelles hindouistes.

La hiérarchie magico-religieuse

On aura compris qu’à Basse-Pointe règne une subtile hiérarchie magico-religieuse:

En haut: le christianisme avec son église de pierre, ses pompes et ses œuvres, religion officielle, celle que pratique avec force démonstrations la micro-élite locale.

Au milieu: l’hindouisme, pourchassé jusqu’au début du XXe siècle par la hiérarchie catholique qui n’hésita pas à faire détruire des temples et des objets du culte (livres sacrés, statuettes, etc.), mais qui, à la faveur du réveil identitaire martiniquais de la fin des années 70, a regagné du terrain, acquérant du même coup une image plus ou moins prestigieuse. C’est ainsi que la revendication de l’“indianité” a revalorisé le Bondyé-Kouli aux yeux des Créoles noirs et mulâtres.

Temple hindou à Basse-Pointe

En bas: le tjenbwa, que certains ethnologues considèrent comme une dégénérescence du vaudou, décrété, dès les premiers temps de la colonisation, pratique diabolique digne des “barbares africains”, que beaucoup pratiquent mais que tout un chacun redoute.

On notera au passage que cette hiérarchisation religieuse ne correspond pas tout à fait à la hiérarchisation raciale héritée du système colonial, lequel plaçait:

En haut: le Blanc créole ou béké.

Au milieu: le Mulâtre et les autres métis (chaben, kap, bata-siryen, bata-chinwa, etc.)

En bas: le Noir ou nèg.

Au fond: l’Indien ou kouli.

Placé au dernier rang de l’échelle pigmentocratique de la société créole traditionnelle, l’Indien-Kouli en occupe, au niveau religieux, un rang supérieur à celui du Noir, y compris aux yeux des Békés qui accordaient à leurs travailleurs hindous de vieux hangars, des cases abandonnées ou des citernes hors d’usage (temple de l’Habitation Le Galion, dans la commune de Trinité) où ils pouvaient librement exercer leur culte.

La raison, non explicite, d’une telle mansuétude était la volonté des planteurs blancs de vassaliser les Indiens-Kouli tout en les incitant à repousser toute forme d’alliance avec leurs alter ego noirs.
A l’époque de notre enquête, il convient toutefois de noter que l’amélioration des conditions de vie des Indo-Martiniquais avait entraîné une indéniable revalorisation de leur statut social, d’abord à leurs propres yeux, ensuite à ceux de l’ensemble de la société martiniquaise, et donc pointoise.

Le signe le plus frappant de cette évolution était que beaucoup de jeunes Indiens-Kouli déclaraient vouloir trouver leurs partenaires sexuels ou leurs conjoints au sein du groupe indien ou métis indien, alors que dans les décennies précédentes prévalait un souci de se fondre par métissage dans la population créole générale.

Bati, fossoyeur à Basse-Pointe

Notre informateur, l’unique fossoyeur de la commune de Basse-Pointe (et accessoirement de celle, voisine, de Macouba), surnommé par tous Bati, était un homme d’une soixantaine d’années, de “race” noire, légèrement métissé de blanc, qui ne parlait pratiquement que le créole bien qu’il put s’exprimer relativement correctement en français et qu’il sut lire le quotidien local, France-Antilles, qu’il utilisait, il est vrai, surtout pour ses pronostics du PMU dont il était un joueur assidu.

Non seulement il assumait fièrement ses fonctions mais il s’était construit une sorte d’appentis au fond du cimetière, non loin de l’énorme falaise en contrebas de laquelle viennent s’écraser les vagues furieuses de l’Atlantique. Dans cette espèce de “case-à-outils” où il avait également construit un poulailler, il s’adonnait à de menus bricolages mais l’utilisait surtout pour se reposer l’après-midi, qu’il y eut enterrement ou pas, vivant ainsi en intimité permanente avec les défunts.
Pourtant, il le reconnaissait volontiers:

Senmityè sé pa an koté ki sen.
(Le cimetière est un lieu de maléfices.)

Et d’éviter soigneusement de se trouver là aux deux heures, selon lui, les plus redoutables, à savoir midi et minuit:

Enben, sé mové lè… dé lè ki vréman, ou wè, ki ka frapé’w, sé midi épi minui. Davwè lè i midi gran lajounen, ou ka santi konsidiré sé an silans… ki ka anpôwté’w… s’ou wè sé minui, dépi ou bèkté an lapôt-la, lamenm ou za antré, ou za antré an chèr-dè-poul.

(Eh bien, ce sont de mauvaises heures… deux heures qui vous frappent vraiment, ce sont midi et minuit. Parce que quand il est midi, on sent une espèce de silence… vous emporter… quant à minuit, dès que vous êtes sur le pas de la porte du cimetière, vous entrez en chair de poule.)

D’ailleurs, Bati prenait un bain rituel, sorte de geste purificatoire, chaque fois qu’il venait de procéder à une inhumation, et il n’est pas indifférent de savoir que le végétal utilisé pour ce faire est le “paroka” ou “ponm-kouli”, petit fruit sauvage de couleur orange apporté aux Antilles par les Indiens-Kouli au XIXe siècle, que ces derniers utilisaient dans leurs pratiques médicinales et pour agrémenter leurs repas.

Donc, quand tu soulèves la terre avec ta pelle, eh ben le mort, bien qu’il soit à l’église, allongé dans son cercueil, il t’observe, il surveille chacun de tes gestes : si tu craches par terre, si tu injuries ou bien si tu t’envoies une rasa de tafia. C’est que tout fossoyeur doit du respect à celui qu’il va porter en terre, que le défunt ait été homme ou femme (…)
Devant la mort, tout le monde est égal-égaux!

C’est pourquoi il existe une prière connue de nous seuls que nous devons réciter à mi-voix pendant que nous peinons à la tâche. Cette prière n’est marquée nulle part,dans aucun livre, elle se transmet de bouche à oreille, de génération en génération.
Dedans il y’a des mots caraïbes, des morceaux de litanies chrétiennes, des conjurations rescapées de l’Afrique-Guinée et des exhortations hindoues. C’est un migan d’appels au secours à tous les dieux que nous dévotionnons dans ce pays, que ce soit en grand ou en cachette.

La Jarre d’Or de Raphaël Confiant

Le rêve et la mort

Dans son appentis, Bati s’endormait fréquemment aux heures chaudes de l’après-midi, et c’est à ces instants-là que les morts entraient en communication avec lui. Jamais quand il était éveillé. Cette relation du rêve et de la mort remonte aux plus anciens temps de l’humanité. Dans l’épopée de Gilgamèsh, qui date de 35 siècles avant notre ère, le roi Enkidu rêvait de sa propre mort.

Cette relation est due au fait que, comme l’explique Dominique Zahan (1963) pour les Bambaras:

Le sommeil est considéré comme un voyage provisoire. Il est le “frère” de la mort qui est le plus grand voyage…

Les morts apparaissent aux vivants dans leurs rêves, soit pour leur faire des reproches ou les menacer, soit plus rarement pour leur donner des conseils. Il ne s’agit pas de n’importe quel décédé mais de ceux pour qui les funérailles ou l’inhumation n’ont pas été accomplies dans les règles ou qui ont perdu la vie de manière cruelle ou prématurée (femme en couches, bébé non encore baptisé, etc.). A notre question:

Kidonk an mounmô ka kontinyé viv an sèten mannyè kanmenm?
(Donc, d’une certaine façon, un mort continue à vivre?)

Bati nous répondit:

I ka kontinyé viv ann èspri. Sé toujou ann èspri… padavwè lè ou ka wè mounmô-a sé an sonj ou ka wè’y.
(Il continue à vivre par l’esprit. Toujours par l’esprit… parce que quand on voit un mort, c’est en rêve que ça se passe.)

Les apparitions

Il semble toutefois que dans la culture créole martiniquaise, il y ait au moins deux types d’apparitions de morts dans les rêves:

Les morts qui se révèlent en priorité à ceux qui les sollicitent, en particulier aux possesseurs de crânes (et d’autres parties du squelette prélevés dans les cimetières), individus spécialisés dans la pratique du quimbois.
Qui veut acquérir un crâne doit obligatoirement passer par un fossoyeur, lequel le négocie chèrement: entre 40 et 50 000 francs au moment de notre enquête, soit dix fois le SMIC (Salaire minimum interprofessionnel de croissance) mensuel.

Un os du bras ou de la jambe se vendait autour de 30 000 francs et un clou de cercueil autour de 20 000.
L’acquéreur du crâne vivra dans l’anxiété permanente car le mort ne cessera de le tourmenter pendant son sommeil, comme nous l’indique Bati:

Question:
Men moun-lan éti ou pwan tèt li a, mounmô-a, i pa ka jenmen viré kont ou an jou? Difèt ou tiré’y adan sèrtjèz li? I pa ka mandé’w an pèman an jou, an réparasyon?
(Mais le mort dont on a pris la tête, il ne se retourne jamais contre vous un jour? Il ne se révolte pas du fait qu’on l’a ôté de son ? Il ne vous demande pas réparation un jour?)

Bati:
I pa ka
 mandé’w pèman. Mounmô-a ou tiré a pa ka mandé’w pèman. Men moun-lan ki ka sèvi di’y la, i ka toumanté’y. Sé li ki toumanté.
(Il ne demande pas réparation. Mais celui qui se sert de son crâne, il le tourmente.)

Or donc, quand tu as fais l’acquisition du crâne, tu dois construire vivement pressé une petite chapelle carrée non loin de chez toi pour pouvoir l’abriter. Seul toi dois en connaître l’existence. Si tu t’es procuré séparément une mâchoire et des dents, tu dois les coller avec soin, et puis, une fois le travail accompli, tu dois regarder le crâne en face pendant au moins une heure de temps sans bouger un seul de tes poils d’yeux.

Tant que tu ne discernes pas les contours de son esprit, ce n’est pas la peine de lui poser de questions. En attendant, tu le nourriras à l’aide d’une bougie verte et d’une verre d’eau que poseras à l’entrée de la chapelle. Mais c’est là que le combat commence, parce que le crâne va chercher à te commander. Il va te bailler des ordres!

(….) Elle est si autoritaire que tu ne pourras plus bouger, ta respiration diminuera-diminuera-diminuera; et tu entendras ses mots qui te martèleront des ordres: va tuer untel! Mets une pincée de poudre de barbadine dans son verre de rhum pour l’empoisonner! Ou fous le feu à sa maison en son absence!
Les morts, c’est une race scélérate, oui! Faut pas croire qu’ils deviennent gentils parce qu’ils n’ont plus ni désirs charnels ni convoitises matérielles.

La Jarre d’Or

les morts qui se révèlent sans que nul ne les ait sollicités. Ceux-là sont des bienfaiteurs, comme l’explique Bati:

Question:
Délè yo ka di’w kon sa an mounmô pé vini ralé zotèy ou lannuit, fè tèl bagay kont ou?
(Parfois, on vous dit qu’un mort peut venir vous tirer les orteils pendant la nuit et agir contre vous?)

Bati:
Bon… mounmô-a ki ka vini oti’w la, sé an byenfétè. Sé sé manman’w, sé sé papa’w. Sa za rivé papa mwen di mwen anba tèl bagay, tèl koté, alé, ni an lajan ka atann ou. Ou ka alé koté-a épi pou tout bon, ou ka jwenn lajan-an.
(Bon… le mort qui vient vous chercher est un bienfaiteur. Qu’il soit votre mère ou votre père. Il est déjà arrivé que mon père me dise que sous telle chose, à tel endroit, se cache une somme d’argent. Vous vous rendez à l’endroit indiqué et pour de bon vous y trouvez l’argent.)

Mais, bon ou mauvais mort, la réapparition du défunt possède, aux Antilles, une signification historico-anthropologique très particulière: le rêve et la mort sont, à cause de leur impalpabilité/invisibilité, quasiment les seuls domaines que la colonisation n’a pas pu placer sous son emprise.

Savoir des morts

Je vous le dis: un mort possède 90 pouvoirs de plus qu’un vivant. On ne peut pas commander un vivant, mais un mort est un esprit.
Ce n’est pas un corps, c’est un esprit. Vous pouvez faire le mort faire ce que vous voulez qu’il fasse. C’est la raison pour laquelle je dis qu’un mort possède 90 pouvoirs de plus qu’un vivant. Entre bienfaits, demi-actions, méchancetés, assassinats, pillages, c’est là que réside le pouvoir.

Cette formulation quelque peu mystérieuse indique pourtant très clairement que le mort, ou plutôt son esprit, sert à faire tantôt “le bien”, tantôt “le mal” c’est-à-dire à se venger de ses ennemis, à s’enrichir aux dépens d’autrui. Le pouvoir détenu par les morts s’appuie sur un savoir.
Cette mansuétude des morts n’est jamais gratuite: le mort échange son savoir contre un service qu’il demande au vivant. Il s’agit d’un véritable troc.

La tête de mort, siège du savoir, doit être “nourrie”, sinon elle s’étiole et devient inopérante. Quand on a la chance de retrouver un crâne avec sa mâchoire inférieure encore en bon état – chose rarissime car c’est là la partie la plus fragile du crâne – on tient là un objet précieux qui se négocie beaucoup plus cher que les crânes habituels.
C’est que les mâchoires servent à “former la parole”, à la “fabriquer” afin qu’elle résonne distinctement aux oreilles du vivant qui rêve, car souvent la parole des morts est incompréhensible. Elle se résume à une sorte d’interminable nasillement au sein duquel ne surnagent que de rares mots identifiables.

Pouvoir des morts

Le mort a donc le pouvoir de perturber l’ordre social, ce qui montre qu’il n’y a pas de séparation nette entre l’univers des vivants et le royaume des morts, comme l’enseigne pourtant la doctrine chrétienne. La conception de la mort que développe Jan-Ba est d’ailleurs fort curieuse puisqu’il distingue clairement deux périodes au sein de celle-ci:

-Celle pendant laquelle on se souvient encore des morts parce qu’ils sont encore présents dans la mémoire de leurs proches parents. Cette période dure environ deux générations, parfois trois.

-Celle pendant laquelle ils disparaissent de toutes les mémoires et sont donc définitivement morts.

Il semblerait que seuls les morts de la première période puissent être convoqués par les possesseurs de têtes de morts, parce qu’ils ont conservé des souvenirs de leur existence terrestre. L’activité du mort est donc fonction du souvenir qu’en ont les vivants. En d’autres termes, un mort n’est pas tout à fait mort tant que les vivants se souviennent de lui.

Cette croyance expliquerait le culte des morts que représente La Toussaint à la Martinique et la pratique qui consiste, en cette occasion, à illuminer les tombes de ses proches comme celles des trépassés inconnus, disparus depuis longtemps, manière de leur redonner vie.

Conclusion

Comme nous l’avons donc vu, Bati n’a pas “acheté son pouvoir” en passant, par exemple, un pacte avec le Diable. Il possède, à l’évidence, un don de médiumnité naturel qu’il a développé à son insu, par accointance en quelque sorte avec les morts. En effet, il semble victime d’une véritable persécution de la part des esprits avec lesquels il entretient une communication obsessionnelle. Mais Bati ne maîtrise aucun rituel et n’a été l’objet d’aucune initiation.

Il est par conséquent contraint de s’adonner à du bricolage rituel, car rien dans la culture créole, rien dans son héritage culturel, ne lui a transmis une quelconque “maîtrise”. Il n’a appris aucun rite formel qui lui aurait permis de développer ses dons de médium. C’est pourquoi il ne contrôle absolument pas la communication qu’il entretient avec les morts, lesquels ont l’habitude d’intervenir de manière intempestive dans son espace-temps. Il devient, final de compte, l’instrument de ces derniers.

Toute la nuit, ils n’ont de cesse de les tourmenter: “Lève toi! Va faire ceci, va faire cela! Si bien que le processeur du crâne n’arrive pas à trouver le sommeil et peut tomber fou. La parade est simple: il doit se lever sans faire de bruit, sans réveiller la maisonnée et gagner la petite chapelle sans illuminer son chemin.

Il doit accabler le crâne d’injuriées: Va coquer ta mère! Le cul de ta marraine! La têtment ou à quelque rousinée de pluie glacée qui va s’abattre sur lui.
A force de lui tenir tête, le crâne finira par laisser son propriétaire tranquille. Il ne l’embêter plus jamais. Et désormais lui obéira…..

La Jarre d’Or

Sources:
Savoir et pouvoir des morts, Paroles d’un fossoyeur en terre créole de Raphaël Confiant
La Jarre d’Or de Raphaël Confiant


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