L’élément indien de la créolité une reconstruction identitaire

L’élément indien de la créolité: une reconstruction identitaire


Les références de cet article :
Van den Avenne Cécile. (2006) « L’élément indien de la créolité : une reconstruction identitaire » in Bridet G., Moussa S., Petr C. L’usage de l’Inde dans les littératures françaises et européennes (XXXVIIIe-XXe siècles), Les cahiers de la SIELEC n°4, Paris, Pondicherry, Editions Kailash, pp. 339-356.

Nonm-lan sôti lôt bô péyi’y,
L’homme a quitté son pays d’autre bord
I pasé dlo vini isi,
Il a passé l’eau pour venir ici
Tout moun té ka pran li pou moun,
Tous le prenaient pour quelqu’un
Pandan tan-an sé vakabon
Mais ça n’était qu’un vagabond

Refrain :
Woy ! Vini wè kouli-a, woy ! Woy !
Venez voir le coolie,
woy Kouli-a, kouli-a, woy !
Le coolie, le coolie,
woy ! Ba li lè pou li pasé,
Laissez le passer,
Pou li fè kout twotwé li kanmenm
Afin qu’il fasse quand même son coup du trottoir
Woy ! Vini wè kouli-a, woy !
Kouli-a, kouli-a, woy !
Ba li lè pou li pasé, Pou li peu chanjé de konduit

Afin qu’il puisse changer de conduite […]1

L’anthropologue martiniquais Gerry L’Etang rapporte l’anecdote selon laquelle il a découvert cette biguine lors d’un entretien avec un informateur, dévot hindou. Entendant cette chanson à la radio, ce dernier se leva pour l’éteindre, rappelant un souvenir de bal où cette biguine lui avait fait manquer une réussite amoureuse, toute la salle s’étant mise à rire alors qu’il dansait, au moment où l’orchestre entonnait cette chanson.

Partant de cette anecdote, le propos ici développé tâchera de rendre compte de la façon dont a pu s’opérer la transformation d’une stérotypisation négative de l’immigré indien, présente dans les représentations populaires en Martinique, et comment s’est mis en place ce que l’on pourrait appeler un contre-discours positif, pris en charge par un certain nombre d’intellectuels martiniquais, qui se traduit à travers des écrits divers, où l’on peut voir les liens qui se tissent entre recherche scientifique, écriture essayiste et pamphlétaire, et écriture fictionnelle. On verra que ce contre-discours positif, prenant place dans ce que certains considèrent comme un renouveau de la réflexion identitaire aux Antilles, autour du mouvement dit de la créolité, n’est pas sans ambiguïté.

Je limiterai ici ma réflexion essentiellement à Raphaël Confiant, auteur polygraphe, coauteur, avec Patrick Chamoiseau et Jean Bernabé d’Eloge de la créolité, et, avec Patrick Chamoiseau, de Lettres créoles, auteur d’une biographie polémique d’Aimé Césaire et d’une trentaine de romans (dont les trois premiers en créole ainsi qu’un recueil de nouvelles et un de poèmes en créole).

Rappel historique

Un rapide rappel historique est d’abord nécessaire touchant la présence indienne dans les Antilles françaises.
A l’abolition de l’esclavage de 1848, certains anciens esclaves trouvant que le travail salarié dans les champs de canne présentait peu de différence avec le travail servile quittèrent pour beaucoup les plantations, préférant aller vivre sur les hauteurs des mornes en petits cultivateurs, ou tenter leur chance en ville.

Ceux restant dans les champs menacèrent les intérêts des planteurs par leurs revendications salariales. Pour répondre au besoin de main d’œuvre, les planteurs obtiennent en 1852 que soit mis en place un système d’engagement sur contrats (contrat de cinq ans, avec le droit d’être rapatrié gratuitement au bout de l’engagement, ce qui fut rarement respecté).

Ce système entraîne l’arrivée en Martinique, entre 1857 et 1862, de 10 521 « engagés » africains, embarqués dans les ports du Congo-Kinshasa et du Congo-Brazzaville (et de ce fait nommés Congos, ou Nègre-Congos, par la population), et entre 1853 et 1883 de 25 509 Indiens. En Guadeloupe, les Indiens furent 42 000. Certains venaient des Etablissements français des Indes, mais la majorité des Indes anglaises, suite à un accord signé en 1861 entre la France et l’Angleterre.

coolis

L’immigration indienne fut rapidement préférée à l’immigration congo, qui avait quelques relents de la vieille traite et aussi parce que l’on pensait que la population indienne, très éloignée culturellement de la population d’origine africaine, ferait difficilement cause commune avec elle.

Les premières arrivées de travailleurs indiens furent bien accueillies, dans un premier temps, par les populations locales mais, par la suite, l’arrivée de ces milliers de contractuels est perçue, par les travailleurs autochtones, comme un instrument permettant aux planteurs de maintenir une saturation de l’offre de travail et des bas salaires.

Très vite, les travailleurs indiens prennent une réputation de briseurs de grève. Ainsi, les minorités indiennes se retrouvent en confrontation avec les deux grands groupes de populations dessinant jusqu’alors le paysage des îles : maîtres blancs et anciens esclaves noirs devenus libres, souvent sans travail. Des premiers, ils subissent une autorité abusive, l’habitus des relations maîtres-esclaves perdurant, ainsi qu’un mépris racial et social, des seconds, pour lesquels il deviennent vite des intrus acceptant une tâche avilissante, le rejet voire le racisme.

Les engagés choisissent ou sont contraints majoritairement de rester aux Antilles. Leur réengagement est influencé par les maîtres qui, ayant payé l’acheminement, ont tout intérêt à conserver leur main-d’œuvre. S’installant définitivement, les Antillais d’origine indienne vivent cependant dans un certain isolement qui freine leur processus d’acculturation : concentration dans les plantations, maintien en milieu rural Certains d’entre eux descendent en ville, attendant un improbable bateau de rapatriement, et d’autres qui, venus s’embarquer, se sont ravisés.

La municipalité les emploient alors à la voirie, ils deviennent balayeurs et vidangeurs, tâches méprisées entre toutes. Dans cette situation politique, économique, culturelle et sociale défavorable fleurissent les productions populaires rabaissant ceux désormais nommés de façon péjorative coolies, ou couli.

Ce mot emprunté au tamoul signifie originellement salaire puis par extension métonymique salarié, il est utilisé en Extrême-Orient en anglais puis en français pour désigner des travailleurs précaires (manœuvres, dockers, tireurs de pousse-pousse , etc.).

En Martinique, de mot caractérisant un état professionnel précaire, il devient ethnonyme, désignant tout originaire de l’Inde, prenant une connotation péjorative.

Connotation péjorative que l’on retrouve dans le terme chapé-kouli ou échappé-couli désignant l’individu métissé d’origine indienne et noire créole et ayant ainsi « échappé à la race des coolies ». Parmi les productions populaires mettant en scène une représentation dévalorisante du couli, on peut citer le proverbe tout kouli ni an kout twotwè pou i fè et sa variante tout kouli ni an kout dalo fè (tout indien se retrouve un jour ou l’autre dans le caniveau).

C’est dans ce contexte également qu’est écrite la chanson « Vini wè kouli-a », présentée en exergue, biguine enregistrée en 1931 mais provenant d’un vieux fond musical de Saint-Pierre d’avant l’irruption de 1902 et sans doute contemporaine de l’immigration indienne à la Martinique. Elle met en scène un couli ivrogne qui malmène une femme créole. Jusqu’aux années soixante-dix et quatre-vingt, les Indiens ne sont guère présents dans l’écriture des auteurs antillais noirs créoles.

Malgré la venue à l’écriture d’Indo-antillais (Maurice Virassamy, Le petit coolie noir, Paris, 1972 ; Ernest Moutoussamy, Aurore, 1987, Camille Moutoussamy, Eclats d’Inde, 2000), ils demeurent un élément oublié de l’identité martiniquaise et plus largement antillaise, oublié littérairement parce que non pris en compte par le mouvement des pères, la négritude (2),oublié socialement et historiquement car hors de l’histoire coloniale de l’esclavage, hors de la confrontation maître blanc-esclave noir, dont le souvenir continue à modeler les rapports sociaux.

Comme le dit à propos d’une autre aire culturelle, l’océano-indianiste mauricien Vinesh Hookoomsing : « Dans le triangle colonial issu de la thèse Blanc, de l’antithèse Nègre, et de la synthèse Créole, l’Indien fait figure d’intrus. »(3)

Le mouvement dit de la créolité, qui assoit sa visibilité à travers la publication en 1989 d’Eloge de la créolité, cosigné par Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, marque une sorte de renouveau de la revendication identitaire aux Antilles, passant par l’affirmation d’une culture propre dite créole, qui est, pour paraphraser les tous premiers mots d’Eloge :

Ni européenne, ni africaine ni asiatique (4) , mais «l’agrégat interactionnel ou transactionnel, des éléments culturels caraïbes, européens, africains, asiatiques et levantins »(5).

creolite

Ce mouvement prétend réintroduire, parmi les différentes composantes de la culture créole, l’élément indien oublié, non pas en tant qu’élément autonome mais en tant qu’élément agrégé au « migan »(6) de la créolité.
Dans ce contexte, l’un de enjeux est de repérer les éléments indiens qui composent la culture populaire créole antillaise : religion, cuisine, gestes, etc. Dans ce qui peut être lu comme une autobiographie littéraire, écrite par Patrick Chamoiseau (7), l’auteur, construisant une parole à la première personne du pluriel où il se fait relais d’une parole indo-antillaise, écrit :

« Musulmans, chrétiens, en majorité hindous, parlant le tamoul et l’indi, nous débarquions au pays avec nos divinités populaires […] notre présence concentrée, rayonna sur l’ensemble du pays, par la langue, la cuisine (colombo, moltani…), les pratiques d’un culte votif, et par des voies encore indécodables. »(8)

Confiant, de son côté, se plaît à mettre en avant sa conversion à l’hindouisme et à rappeler que l’hindouisme créole n’est pas un hindouisme communautaire mais souvent un hindouisme de converti.

Cette valorisation du mélange, du métissage permet de comprendre que, pour les écrivains de la créolité, le poème en créole de Gilbert Gratiant publié en 1958 dans les Fab Compè Zicaque et intitulé « L’échappée-coulie »(9), est important comme texte précurseur de la prise en compte de l’élément indien dans la culture créole contemporaine.

En effet, dans cette fable, une femme noire compare ses avantages à ceux d’une femme coulie, et toutes deux sont surpassées en beauté par l’arrivée d’une échappée-coulie, métisse fille d’une femme coulie et d’un mulâtre, porteuse donc des trois races (blanche, noire et indienne). Plus que le couli, c’est l’échappé-couli, personnage métis, qui semble personnage emblématique d’une forme de créolité. Ainsi, le terme moqueur et péjoratif se retourne en terme porteur de positivité.

La prise en compte de l’élément indien

La prise en compte de l’élément indien prend des formes discursives diverses, s’inscrivant à la fois dans les essais et dans la fiction. Elle prend également des formes énonciatives diverses. L’intégration de l’élément indien se fait à travers la construction d’une représentation d’un destin commun avec le peuple créole issu de l’esclavage : l’exil semblable à une déportation, la situation de domination dans les plantations, l’issue possible dans la conquête de l’« enville » (une des thématiques centrales des écrivains de la créolité).

S’ajoute à cela la mise en avant du caractère populaire de la culture indienne et de son apport à la culture antillaise, allant dans le sens d’une certaine tendance idéologique populiste (10) du mouvement de la créolité.

Dans l’écriture essayiste, le phénomène le plus intéressant est sans doute la construction de fictions de paroles collectives à la première personne du pluriel (mode d’énonciation couramment usité par les écrivains de la créolité, notamment dans la fiction), se donnant comme fictions de paroles collectées, répondant à ce rôle d’écrivain-intellectuel que se donne par exemple explicitement Chamoiseau, celui de « marqueur de paroles ».

Ainsi, dans le manifeste d’histoire littéraire, co-écrit par Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, Lettres créoles, se construit une parole collective, se faisant représentante de la parole des migrants indiens. Sous le titre « Fils de la déesse Mariemen », et à la première personne du pluriel, se donne à lire ce qui est à la fois un condensé d’histoire indienne présentée comme rejouant d’une certaine façon l’histoire coloniale des Antilles

(les peuples dravidiens au teint « bleu foncé » envahis et soumis par des « hommes pâles venus du Cachemire et du Penjab », « barbus, gigantesques […] portés par des troupes d’éléphants » puis ces peuples à nouveau envahis et soumis par « des hommes encore plus pâles qu’eux »

la racialisation permettant d’une certaine manière d’intégrer les Indiens à une vaste histoire commune d’une opposition fondamentale noir-blanc) et l’histoire d’une migration douloureuse :

Après mille fois mille ans de souffrance, nous, Intouchables du Karnattakam et du TamilNadu, nous résolûmes à délaisser la terre des ancêtres […] Nous ne savions pas où aller. Nous étions la lie de cette terre. Nous étions les Intouchables »

On sait qu’historiquement, les engagés indiens furent prioritairement choisis dans les castes intermédiaires mais que quelques intouchables et brahmanes réussirent à s’embarquer. Le choix de mettre en avant la catégorie des intouchables va de pair avec la construction d’une image de peuple martyr mais permet également de mettre en avant le caractère populaire de cette population indienne. A d’autres reprises, Confiant relie appartenance populaire et caste intouchable :
« Il y a un hindouisme créole ? – C’est lié à l’hindouisme populaire, car ceux qui sont venus étaient des intouchables. »(11)

Les personnages de couli sont présents dans tous les romans de Confiant. Dans les entretiens qu’il accorde, il rappelle qu’il a grandi en zone rurale et que le personnage de couli ivre roulant dans le fossé faisait partie de son quotidien. Il aime par ailleurs à souligner le sentiment de proximité avec la population coulie qu’il a ressenti très tôt, en tant que chabin, c’est-à-dire en tant que nègre blanc au phénotype extrêmement stigmatisé socialement et objet des quolibets populaires.

Il rappelle ses souvenirs d’école où il était crié « mauvais chabin » comme les coulis pouvaient être insulté « couli mangeur de chien »(12). Ce récit biographique semble convoqué d’une certaine manière pour légitimer le discours construit sur des personnages de couli.

Ces discours sont de deux types et liés à deux traitements différents du couli, l’un comme type, simple composante de la peinture sociale à laquelle se livre Confiant, et simple support de paroles produites par d’autres, objet de discours, dans un jeu de connivence avec la culture populaire et ses productions stéréotypiques, l’autre où le couli acquiert davantage d’épaisseur, notamment en tant qu’énonciateur de sa propre parole. Le couli peut être alors construit en porte-parole.

L’œuvre de Raphaël Confiant

La composante métissée de la population donnant lieu à une variété extrême de pigmentation de la peau, ainsi que les représentations sociales et les discours liés à cette réalité sont parmi les ressorts de l’écriture de Raphaël Confiant. Face à ce métissage et aux classifications auquel il a pu donner lieu pendant la période de l’esclavage (13), Confiant se place dans une position assez complexe, écrivant dans le même ouvrage, et dans la même page, que d’une part :

Le mot « créole » est « le meilleur terme pour désigner l’homme antillais » parce qu’ « il permet de sortir des désignations raciologiques imbéciles héritées de la hiérarchie raciale de la période esclavagiste : chabin, Nègre, griffe, Mulâtre, câpresse, échappé-Couli, Couli blanc, Couli béké, termes souvent saturés de connotations raciales péjoratives, connotations que n’a pas le terme ” créole ” », et d’autre part que « la Créolité peut permettre de nommer toutes les nuances raciales, en les vidant de tout contenu idéologique pour n’y garder qu’une simple valeur descriptive, à la limite poétique (” une chabine dorée “, “une câpresse au teint de sapotille “) »(14)

C’est cette seconde valeur, dite descriptive et poétique, que privilégie finalement Confiant dans son écriture fictionnelle. L’évocation du couli et de l’échappée-coulie (généralement une femme) s’intègre à cette peinture d’une Martinique métissée dont le métissage même est un des ressorts du fonctionnement social. On distinguera l’évocation des femmes de l’évocation des hommes.

En première mention, les personnages féminins des romans de Confiant sont quasi-toujours nommés à travers l’apposition d’un prénom à un substantif désignant un type physique : la câpresse Adelise, la négresse Philomène.

Par ailleurs, mises en liste, les appositions prénom féminin-type physique semblent avoir un pouvoir d’évocation quasi érotique : ainsi la liste des « beaux morceaux de femmes du Carbet » dans La Vierge du Grand Retour où se succèdent « Emeline Lapierre, la négresse bleue », « cette chabine aux yeux verts d’Idoménée Suivant », « la mulâtresse lascive Justina », et « l’échappée-Coulie Laetitia Manassamy »(15)

Dans le même roman, le procédé se répète quand les majors (soit les fiers à bras) évoquent leurs différentes conquêtes, ainsi Fils-du-Diable-en-personne, évoquant « Jeanine, la chabine rondelette et pétillante, ouvreuse au cinéma Bataclan » ou « Justina, sa petite coulie adorée du quartier Au Béraud »(16). La classification semble donc avoir, concernant les femmes, une sorte de pouvoir érotique, et le type de la coulie ou de l’échappée-coulie est un type qui vient enrichir les possibilités de listage.

D’autre part, Raphaël Confiant se plaît à rapporter de façon plus ou moins distanciée les stéréotypes et croyances populaires attachés à la population d’origine indienne : la réputation de femme facile des Indiennes, le mépris pour les hommes balayeurs des rues de Fort de France (balayeurs de dalots, c’est-à-dire de caniveaux), le soupçon de cannibalisme pratiqué dans les cérémonies. Il contribue ainsi, au fil de ses romans, à la fixation d’une mémoire populaire, jouant de connivence lorsque par exemple, il rapporte en liste et au style direct les insultes adressées aux coulis :

« Coulis mangeurs de chiens ! Coulis qui puent le pissat ! Coulis, dernière des races après les crapauds ladres ! Coulis mendiants ! Les bras des coulis sont rattachés à leur corps avec de la colle de papayer », ou encore : « Hé couli ! Couli mangeur de chien, qu’est-ce que tu as à traîner tes fesse qui puent parmi nous autres ? » […] « Couli ! Tes oreilles sont bouchées ou quoi ? Ha-Ha-Ha ! Quelle race de malpropres ! […] »(17).

Le personnage couli est généralement donné comme saisi par le regard d’un autre personnage, créole, qui le décrit à partir de ses stéréotypes. Ainsi, autant les personnages féminins s’intègrent à la culture urbaine populaire telle que construite par Confiant (et où prédominent les relations entre sexes et les relations sexuelles), autant les personnages masculins (parce que sans pouvoir érotique pour l’auteur ?) sont maintenus dans une exogénéité constante, comme le personnage de René-Couli, du roman Eau de Café, exclu du « nous » à travers lequel se construit l’énonciation.

Cependant, un autre traitement, moins stéréotypique et presque caricatural, mais davantage didactique, se donne à lire également, reprenant, sur un mode fictionnel, les constructions de paroles collectives à l’œuvre dans les essais. Ces passages didactiques s’attachent d’une part à retracer l’historique de l’installation en Martinique et d’autre part à rendre compte des cérémonies dites de « Bondieu-couli ». Ainsi, dans La vierge du Grand Retour, un personnage de jeune couli, André Manoutchy fait à Fils-du-Diable-en-Personne, l’un des majors de quartier, le récit de ce que l’on peut lire de façon condensée comme une saga familiale :

« les Monsamy, les Manoutchy, les Pandrayen ou les Virassanin, tout ce peuple d’Indiens qui s’échinaient dans le nord du pays au profit des richissimes planteurs blancs, n’avaient plus souvenance de rien. La langue, les rites, les dieux, les chansons n’avaient été conservés que par une poignée de savants et de prêtres car en venant de ce côté-ci du monde, après avoir traversé deux océans, la mémoire n’était plus qu’un grand trou noir. Une souffrance insondable.

Et ici, dans ce pays-là, il avait fallu affronter de nouvelles épreuves. Le dur travail de la canne à sucre, le mépris des Blancs, le crachat des noirs, l’indifférence des mulâtres. […] Il avait fallu survivre dans toute cette dévalée de fléaux et le peuple indien, devenu couli, avait survécu. Il avait redressé la tête et demandait honneur et respect. […] »

Ce récit se clôt sur ces mots au style direct : « Bientôt, nous les Indiens, nous allons abandonner la canne à sucre. On a vu trop de misère là-dedans. On descendra tous dans l’En-Ville.»(18). L’« en-ville » se construit dans les fictions de la créolité comme le lieu d’une culture s’opposant à la culture des plantations, lieu d’une modernité, lieu également par excellence du plus grand « migan ».

Ces passages didactiques tendant à inscrire la mémoire indienne dans l’évocation de la société antillaise peuvent être conçus comme premières esquisses du travail entrepris dans le dernier roman de Confiant, La panse du chacal, publié en 2004, publication intervenant à la suite des cérémonies de commémoration du 150ème anniversaire de l’arrivée des premiers travailleurs indiens en Martinique (1853-2003) puis en Guadeloupe (1854-2004), moment opportun et qui n’est sans doute pas étranger à l’attribution du Prix des Amériques Insulaires et de la Guyane 2004 et à la nomination pour le Prix de la francophonie 2004.

Dans un entretien (19), Confiant qualifie ce roman d’ « inévitable dans l’espèce de saga du monde créole que je suis en train d’écrire depuis vingt-cinq ans ». Ce roman s’est nourri, selon ses déclarations, de son travail avec les anthropologues Jean Benoist, Gerry L’Etang, Francis Ponnaman, de ses discussions avec les intellectuels indo-antillais Jean-Samuel Sahaï, Camille Moutoussamy ou océanindiens comme Vinesh Hookoomsingh (Ile Maurice), ainsi que de ses lectures documentaires sur la géographie du pays tamoul et sur le mode de vie tamoul au XIXe siècle (20).
Le roman évoque le départ du pays tamoul d’un jeune homme, Adhiyamân Dorassamy, pour les Antilles à la fin du XIXe siècle, par le dernier convoi (soit le 55e convoi), son installation sur une grande plantation du nord de l’île et la réorganisation progressive d’une vie sociale.

Mettant en sourdine ce qui est la marque de fabrique des écrits de la Créolité, à savoir l’usage surabondants des archaïsmes et créolismes allant de pair avec une énonciation oralisante, Confiant use dans ce roman d’une langue de facture plus classique et utilise les ressorts du roman exotique, multipliant les citations en tamoul et les descriptions de type ethnographique.
Dans cette fiction, deux types de catégorisation s’opposent dans la description des populations indiennes. La catégorisation couli, que l’on peut considérer comme hétéro-désignation n’apparaît plus que de manière injurieuse dans la bouche des recruteurs anglais tout d’abord, des créoles noirs ou du planteur béké.

Elle est en concurrence, dans le récit pris en charge par le narrateur, tantôt personnage tantôt narrateur hétéro-diégétique, par une catégorisation plus complexe, donnée comme auto-catégorisation, une catégorisation arrivée d’Inde, celle du système des castes, qui perdure sur le bateau de la traversée pour se déliter dans l’espace antillais de la plantation.

Confiant utilise les mots sanscrits, en italique, kshatrya, vaishya, shudra, qui confèrent à son texte une sorte d’effet de réel anthropologique. Le père de la lignée est un vaishya, il contracte avant son départ pour ce qu’il croit l’Amérique une union contre nature avec une shudra, Devi.

Sur le bateau de la traversée, après une rixe mortelle où un intouchable est mis à mort par deux vaishya, au prétexte qu’il aurait craché dans le bol de nourriture qu’il leur servait, les émigrants sont rangés par castes, les intouchables à fond de cale, les shudra sur le pont avant, les vaishya et les musulmans à l’arrière du navire (p.102).

Confiant insiste ainsi sur un des enjeux sociaux de cette migration, relevé par les historiens, à savoir le contact et mélange d’individus de castes différentes (21). Ce système de catégorisation importé d’Inde et l’appréhension des relations sociales qu’il impose sont réinterprétés dans le roman par le personnage central, arrivé nourrisson en Martinique :

« Au fond, le monde créole était pareil au nôtre avec ses castes et ses interdits, c’est-à-dire tout en haut, les Békés-brahmanes, au milieu les mulâtres-vaishya, en bas les Nègres-shudra et encore plus bas, nous autres, les Indiens-parias. », nuançant « sauf qu’aucune divinité n’en avait, comme en Inde, décidé ainsi. Ou plutôt, ici, dans ce pays, l’Etre Immense était la canne à sucre. C’était elle qui avait créé cette île […] Tenir un coutelas en plein soleil, s’esquinter à jeter bas les cannes fléchées durant la moitié de l’année, les transporter à l’usine en tombereau ou à dos de mulet, les transformer en sucre et en rhum, tout cela était la destinée du Nègre et de l’Indien. Parfois du Chinois, du chabin ou du mulâtre. Jamais du Blanc. » (22)

A ces catégorisations s’opposent, comme je l’ai mentionné, la catégorie couli, qui apparaît, toujours au style direct, dans la bouche de personnages qui le manient comme une injure, reprenant ces litanies d’injures déjà présentes dans les romans précédents de Confiant. Le roman ouvre ainsi sur cette interjection à l’adresse du personnage principal : « Hé ! Couli, Mangeur de chien ! »(23).

panse du chacal

Ce que raconte ce roman est le douloureux mais finalement inexorable et plein d’espoir devenir-créole de ces populations indiennes, illustration fictionnelle de l’idéologie de la créolité, l’histoire s’achevant sur l’union mixte de Devi la femme indienne, arrivée très jeune dans ce dernier convoi, parlant « un créole fluide et rempli d’images à la manière des négresses »(24), avec le syndicaliste noir Anthénor, seul à penser que « Nègres et Indiens “marinaient dans la même galère” »(25), qui refuse d’appeler les Indiens couli et fréquente les cérémonies hindouistes organisées par Z’Oiseau.

Devi met au monde un enfant échappé-couli, qu’elle prénomme Adhinor, prénom qu’elle invente « composé du début du prénom d’Adhiyamân [son premier mari, indien] et de la fin de celui d’Anténor »26 A son propos, le jeune instituteur Blanc-France humaniste dit :

« cet enfant que portait Devi serait un Caraïbe, un être né de l’humus même des îles et qui ne devrait plus rien aux anciens mondes d’où provenaient ses géniteurs. Ce que n’a pu être le mulâtre, métis blanc-nègre, trop attaché à son planteur de père et aux valeurs de l’Europe, le métis indien-nègre, lui, le pourra, […] quand bien même on s’emploierait à le dénigrer sous le vocable d’”échappé-Couli ” »(27).

On retrouve ici cette mise en avant, non pas de l’indo-martiniquais, mais du métis « échappécouli » déjà célébré par Gratiant, mais cet échappé-couli-là n’est pas porteur des trois races, il est, pour reprendre d’autres catégorisations, couli-nègre et non pas couli-blanc ; on ne peut pas faire l’impasse sur l’idéologie anti-blanc et anti-mulâtre qui sous-tend cette conception28. En tant que tel, il est donné comme archétype créole dont le métissage ne doit rien à l’apport européen, et permet même de retrouver la population originelle massacrée, celle des Indiens caraïbes.

De ce garçon nouveau-né, son père dit : « Ce petit garçon, faudra pas qu’il croupisse à Courbaril ! [nom de la plantation] Devi, dans deux-trois mois, on s’en va d’ici, oui. L’EnVille sera mieux pour Adhinor. »(29).
Il intégre ainsi l’enfant dans une destinée créole moderne qui est la sortie du monde des plantations et la descente vers l’En-Ville, thématisée, comme nous l’avons déjà souligné, dans de nombreux romans aussi bien de Confiant que de Chamoiseau. Le récit se clôt sur la mort de l’Ancêtre, dernier à savoir parler tamoul. A ses funérailles assistent

« Indiens, Nègres, chabins, mulâtres, Chinois, Syriens et Békés accourus de tout le nord de la Martinique, tout ce peuple créole d’ordinaire si acharné à s’entre-déchirer. Chacun était conscient qu’un Temps neuf commençait à s’installer et qu’il faudrait désormais inventer des mots inédits, débarrassés de leur gangue de haine pour pouvoir le vivre. »(30)

On retrouve ici les élans messianiques qui sous-tendent bien souvent les discours de la Créolité, conçue comme processus constant tout autant que fin à atteindre. L’écriture fictionnelle et essayiste de la Créolité est la partie la plus visible, pour le grand public ainsi que pour la métropole, de l’entreprise de ce mouvement.

Par ailleurs, s’effectue au sein du GEREC (Groupe de Recherche en Espaces Créolophones, maintenant nommé GERECF, et francophones), groupe de recherche de l’Université Antilles-Guyane, dirigé par Jean Bernabé, et dont fait partie notamment Raphaël Confiant, un travail scientifique de recherche autour de la composante culturelle indienne en Martinique et en Guadeloupe, mené notamment par l’anthropologue Gerry L’Etang. Le lien entre recherche scientifique et écriture essayiste et littéraire est visible. On peut exemplifier cela à travers l’utilisation du personnage de « Zwazo ».

Antoine Tangamen, dit « Zwazo » (1902-1992) était prêtre hindou à Moulin-L’Etang (nord de la Martinique), et il exerçait la fonction de commandeur sur la plantation de canne à sucre de l’habitation Gradis. L’anthropologue Jean Benoist l’a rencontré en mars 1957, et a recueilli auprès de lui les traditions chantées du Ramayana telles qu’elles ont été adaptées en Martinique. Plus tard, Gerry L’Etang, durant quatre ans, de 1986 à 1990, a recueilli auprès de lui un récit de vie, récit de vie d’un prêtre hindou, commandeur d’habitation à la Martinique (31).

Le personnage de Zwazo sort du cercle scientifique anthropologique en apparaissant, d’une part, dans la partie consacré à l’enfance de Césaire dans Lettres créoles32 et, d’autre part, dans la biographie polémique d’Aimé Césaire, publié par Raphaël Confiant en 1993. Reprenant un article de Gerry L’Etang, Confiant raconte comment Zwazo (33) lui aurait fait la confidence d’avoir connu Aimé Césaire enfant, alors que le père de ce dernier était économe sur l’habitation Emma, voisine de l’habitation Gradys.

Il utilise cette anecdote pour mettre en avant le fait que la prime enfance de Césaire a été « marquée par la culture et la religiosité tamoule »34 pour ensuite lui faire grief (un parmi les nombreux qui compose cette pseudo biographie, règlement de compte) de ce qui serait une occultation de la culture coulie par Césaire, et plus largement d’un « processus de négativisation de la culture créole martiniquaise et un refus, une horreur même de son caractère mélangé, hybride » (35).

Le personnage apparaît à plusieurs reprises dans le dernier roman de Confiant, présenté précédemment, La panse du chacal, (et qui est notamment dédié à « Gerry L’Etang, l’ami et frère », ainsi qu’« A ceux qui sont partis, dizaine de milliers d’Indiens qui émigrèrent dans l’archipel des Antilles au mitan du XIXe siècle »).
Il est introduit ainsi : « le dénommé Z’Oiseau, ci-devant grand prêtre hindouiste et seul de sa race à occuper les fonctions de commandeur d’Habitation, à Gradis »36. Il initie le personnage central, Vinesh, à la religion hindoue. Phénomène d’accroche de la fiction à la réalité, phénomène de connivence également, interne au petit monde de la créolité, que pratiquent souvent et Chamoiseau et Confiant.

A la fin du roman, narrant les derniers temps de l’Ancêtre, soit le prêtre hindou de l’habitation Courbaril, habitation de la fiction, Confiant écrit, faisant une dernière mention au personnage : « Les années s’écoulaient […]. Vint le temps où seuls Z’Oiseau et lui furent capables de converser librement sans passer par le créole »(37).

Ainsi, pour résumer les usages des mentions de ce personnages, on peut dire que la figure de « Zwazo », dernier grand prêtre hindou créolophone, est utilisée par Confiant à la fois pour tuer le père (Césaire), s’affirmer soit même hindou, et fabriquer de la fiction authentique. Analysant le recours à l’Indianité dans les mouvements politiques et intellectuels martiniquais des années quatre-vingt, Richard Burton écrit :

« En tant que non-Africain et non-Européen à la fois, le Martiniquais d’origine indienne – lui dont l’histoire avait fait le non-Antillais par excellence – s’est vu paradoxalement promu en archétype d’Antillanité » et il ajoute, quelque peu perfidement : « de sorte que lorsqu’un quelconque politicien ou intellectuel martiniquais non-indien entreprend une défense et illustration passionnée de l’Indianité martiniquaise, l’on peut légitimement se demander si ce n’est pas un peu son propre brevet d’Antillanité qu’il entend faire valoir pour autant. »(38)(.

On peut parler ici d’opportunisme intellectuel ou politique de la part de Confiant, on peut cependant également noter qu’il s’inscrit dans ce mouvement d’utilisation de la composante indienne de la société martiniquaise pour penser la question identitaire martiniquaise. Dans une vision créolitaire pan-créole (des Antilles à l’Océan Indien), qui est celle du mouvement de la créolité, cette réflexion se connecte, tout en l’intégrant, à la réflexion des « Indo-créoles » (Mauriciens, Réunionnais, tout autant que Martiniquais, Guadeloupéens d’origine indienne).

Conclusion

Elle n’est pas sans faire écho aux écrits notamment de Khal Torabully, Indo-Mauricien qui a forgé, pendant du terme négritude, le terme de « coolitude »(39). On lui laissera les derniers mots, manière de réponse aux paroles de la biguine qui ouvrait ce propos :

On ne dira plus c’était un bon coolie,
Un coolie sucré qui se distrait de rien,
Un zindien qui a la fragilité de l’horizon à l’approche du cyclone glouton.

On ne dira plus que la gale de sa misère
Le ravale à l’insignifiance de sa présence.
Ni que son sang étrange
Imprégné d’épices rances
A le relent de son costume de fakir.
On ne dira plus qu’il mange chien
Ou crapaud sans sel.
On dira qu’il a retrouvé l’appétit des mots
Au cri puissant de son humanité (40
)

NB:

1 Biguine répertoriée dans la compilation consacrée au clarinettiste Stellio, « Intégrale chronologique 1929-1931 », Frémeaux et associés, 1994. Paroles citées et traduites par Gerry L’ETANG « Vini wè kouli-a. Anthropologie d’une chanson créole » in BERNABE J., CONFIANT R., BONNIOL J.L., Au visiteur lumineux : des îles créoles aux sociétés plurielles : mélanges offerts à Jean Benoist, 2000, Petit-Bourg, Ibis Rouge..

2 Et c’est un parmi les nombreux reproches que fait Confiant à Césaire dans la biographie polémique qu’il lui consacre, citant la seule mention à l’Inde dans le Cahier d’un retour au pays natal, comme étant la mention d’une Inde sans réalité locale : « je serai […] un homme-hindou de Calcutta. » (Confiant, 1993, Aimé Césaire, une traversée paradoxale du siècle, p.70).

3 HOOKOOMSING, Vinesh Y. (2001) « Créolité, coolitude : contextes et concepts » in Kumari R. ISSUR, Vinesh Y. HOOKOOMSING, dir., L’Océan Indien dans les littératures francophones, Karthala, p. 254.

4 « Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles. » (Bernabé, Chamoiseau, Confiant, 1993, Eloge de la créolité Paris, Gallimard ).

5. Eloge de la créolité, op.cit. Ces propos reprennent, en fait, les déclarations de René Ménil, dans un texte paru dans Action en 1964 et repris dans Tracées (1981) : « la société martiniquaise sortie du creuset est bien martiniquaise. Ni africaine, ni chinoise, ni indienne, ni même française, mais antillaise en fin de compte. Antillaise est notre culture, pour avoir réuni au cours de l’histoire et combiné ensemble dans un syncrétisme original tous ces éléments venus des quatre coins du monde, sans être aucun des ces éléments en particulier » (Ménil, Antilles déjà jadis, précédé de Tracées, Paris, Jean Michel Place (1° éd. 1982), p. 34.

6 « Mélange », mot utilisé par Bernabé et alii dans Eloge de la créolité, op.cit., p.26.

7 CHAMOISEAU P., 1997, Ecrire en pays dominé, Paris, Gallimard.

8 Op.cit., p.130.

9 GRATIANT Gilbert, L’échappée-coolie in Fab Compè Zicaque, 1976, Editions Désormeaux, Fort de France (réédition). Voir des extraits notamment dans Lettres créoles, 1999, Paris, Gallimard, p.45-46.

10 Le terme est sans doute fort et peut prêter à la critique. Je l’utilise en renvoyant aux analyses de Grignon et Passeron, 1989, Le savant et le populaire, qui décrivent l’idéologie populiste comme une exacerbation d’une forme de relativisme culturel appliqué aux classes socialement et culturellement dominées, « reposant sur l’inversion pure et simple des valeurs dominantes : “Le gens du peuple valent mieux que nous “, leur culture est culturellement plus riche que la nôtre, à la limite c’est la seule culture qui soit ” naturellement culturelle” (Volkstunde, tolstoïsme, folklorisme, Proletkult). » (p. 33). Rafaël Lucas avant moi parle d’une tendance à la dérive populiste et écrit à propos des idéologues de la créolité : « Nous sommes en présence d’un processus de béatification du peuple mis en relique dans un essentialisme absolu.» (Lucas, 2000, « L’aventure ambiguë d’une certaine créolité » in Dérades, n°5, 1°semestre, p.101). Le propos de cet article n’est pas d’engager ici une discussion sur ce sujet.

11 entretien avec Chantal Anglade, « La panse du chacal et le pardon demandé aux Indiens », www.remue.net /article.

12 Voir notamment l’entretien cité en note 11.

13 On peut se reporter aux classifications de Moreau de Saint Méry, 1790.

14 Confiant, 1993, op.cit., p.265-266.

15 Grasset, 1996, p.72. 16 ibid., p.155. 17 Le barbare enchanté, 2003, p.148.

18 La Vierge du Grand Retour, op.cit., p.96-97.

19 Voir note 11.

20 il cite ainsi les ouvrages de Maindron.

21 voir SINGARAVELOU Les Indiens dans la Caraïbe, t.1 L’établissement des Indiens dans la Caraïbe, 1987, Paris, L’harmattan, p.100.

22 La panse du chacal, 2004, p. 202-203.

23 ibid., p.13.

24 ibid., p.225.

25 ibid., p.345.

26 ibid., p.362.

27 ibid., :p.360.

28 A ce propos, je renvoie aux analyses de Rafaël Lucas, op.cit., p.110-112.

29 ibid., p.362.

30 ibid. p.375.

31 L’ETANG Gerry (1994) „Zwazo. Récit de vie d’un prêtre hindou, commandeur d’habitation à la Martinique. » in G. L’Etang (éd.) Présences de l’Inde dans le monde, GEREC/PUC, Editions de l’Harmattan.

32 « M. Tengamen, dit Zwazo, commandeur de l’habitation cannière de Gradys […] verra l’enfant passer dans sa vêture d’écolier […]. M. Tengamen, dernier tamoulophone martiniquais, le seul à pouvoir dans les années 1980 s’exprimer couramment dans la langue de ses ancêtres hindous, prétend avoir deviné à « la sériosité de ce petit bougre » qu’il deviendrait un grand monsieur. Les anciens ne vivent-ils pas au présage ? » (Chamoiseau, Confiant, Lettres créoles, 1991, p.117).

33 Qui par ailleurs, ainsi qu’il le confie dans un entretien accordé à Philippe Pratx, l’aurait initié à l’hindouisme : « je me sens aussi indien et je me suis converti à l’hindouisme créole avec le dernier grand tamoulophone martiniquais, Antoine Tengamen dit ” Zwazo” » (www.chez.com/indereunion).

34 Aimé Césaire, une traversée paradoxale du siècle, op.cit., p.67.

35 ibid., p.71.

36 La panse du chacal, p.92.

37 ibid., p.364.

38 BURTON Richard « Penser l’indianité. La présence indienne dans la réflexion martiniquaise contemporaine » in L’ETANG Gerry (éd.) Présences de l’Inde dans la monde, 1994, Paris, PUC/GEREC/ L’Harmattan, p.211.

39 Le terme « coolitude » désigne une inscription identitaire qui « valorise autant l’expérience vécue par les Indiens dans leur société d’adoption que la référence à l’Inde, et davantage la référence à l’Inde populaire et villageoise dont furent issus les immigrants, que l’Inde élitaire, urbaine et fantasmée […] » (Benoist, Desroches, L’Etang, Ponaman, L’Inde dans les arts. De la Guadeloupe à la Martinique, Matoury, 2004, Ibis Rouge éditions, p.48-49).
Reprenant ce terme, l’écrivain indo-martiniquais Camille Moutoussamy écrit : « Ma Koulitude […] est une esthétique mêlée à d’autres esthétiques, elle crie de sa voix lancinante son appartenance à la voie toujours en mouvement des profondeurs de la Créolité » (ibid., p. 52.)


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