Durga Puja

Les bijoux de Maliemin


Man Koupany, comme des milliers d’autre Indiens en Guadeloupe, descendait des travailleurs engagés venus de l’Inde après l’abolition de l’esclavage.

Ce peuple a introduit dans l’Île son culte à la déesse Malienmin et à certains autres dieux hindous : Kalimaï, Kali, Madouraiviren, Nagourmira … Si bien que, dans plusieurs communes, s’élèvent des temples en leur honneur.

La population indienne et, de plus en plus, la population nègre, offrent des cérémonies, particulièrement, à Malienmin, afin de qu’elle leur accorde certaines grâces. Man Koupany avait un fils malade. Julien, de sa naissance jusqu’à l’âge de seize ans, n’avait pas eu de problèmes majeurs de santé.

A dix-sept ans, à la mort de son père, il s’emmura dans un silence qui s’éternisait malgré visites médicales, consultations psychologiques, prières à Dieu et à ses saints. Devant l’inefficacité de ces recours, Man Koupany se tourna vers Malienmin, la priant de redonner sa santé à Son fils.

Elle observa toutes les étapes du rite, depuis la période de jeûne jusqu’à la cérémonie à la déesse à qui elle promit sa plus belle parure en or, si son vœu était réalisé. Ce jour-là, la foule nombreuse de parents et d’amis, participa ou assista aux différentes étapes du rituel. Tous prirent part au festin de clôture : moltani, colombo de cabri, dale, figures jaunes et coco sec…

Un an après, Julien recouvra la santé et put mener une vie normale. Cependant, Man Koupany semblait avoir oublié la promesse faite à Malienmin. Jeune et belle femme d’une quarantaine d’année. Elle était toujours mise avec recherche et coquetterie. Ses parures, toutes en or, correspondaient à chacun de ses vêtements. Aussi, le jour où sa mère lui demanda si elle avait fait son offrande à la divinité, elle répondit : « Malienmin ne sort pas, elle ne va pas au bal, qu’est-ce qu’elle va faire d’une parure en or ? Cette parure sera bien plus belle sur mon ensemble en lin fuchsia ! »

Sa mère, indignée, lui dit vertement ce qu’elle pensait d’une telle légèreté et lui fit jurer qu’elle remettrait à la Déesse les bijoux promis.
-Ay ! Pawol an bouch pa chaj, se dit Man Koupany.

Et elle garda sa parure. Six mois s’étaient écoulés. Une nuit qu’elle dormait Man Koupany entendit, venant de la rue, des cris, des plaintes déchirantes, d’horribles cliquetis de chaînes. Paralysée d’effroi, elle ne bougeait pas. Les bruits se faisaient de plus en plus forts, de plus en plus persistants.

 Man Koupany arriva à se glisser jusqu’à la chambre de Julien. Celui-ci dormait à point fermé.  Elle le réveilla doucement, lui demandent s’il n’entendait rien. Julien prêta l’oreille et répondit :
-Je n’entends rien. Et il se rendormit.

Man Koupany ne se sentait pas la force de retournait dans sa chambre. Elle s’assit dans un fauteuil près du lit de Julien.
-Ce n’est pas possible, pensait-elle. Julien n’est pourtant pas sourd. Comment n’entend-il pas ce vacarme horrible qui me rend folle ? Je ne rêve pas toute éveillée ! Son calvaire se poursuivit la nuit durant.
Toujours ces douloureuses lamentations, ces hurlement la tête, qui lui descendaient jusque dans les entrailles, qui la terrassaient.

Le tintamarre ne s’arrêta qu’à quatre heures du matin. Ce fut seulement à ce moment-là que Man Koupany put enfin fermer les yeux. Son sommeil fut agité. A son réveil, elle demanda à l’une de ses voisines si elle n’avait pas entendu des bruits étranges.
-Non ! s’entendit-elle répondre.

Elle commença franchement à avoir peur. Ne serait-elle pas en train de devenir folle ? Elle ne voulut pas en parler et se dit qu’elle attendrait la nuit suivante.
Il était minuit pile quand recommença le charivari qui avait pris des dimensions nouvelles. C’était tantôt des vagissements, des pleurs de bébé qui semblait sortir de l’intérieur même de la maison, tantôt des miaulements.

Man Koupany avait l’impression que des dizaines, des centaines, des millers de chats, la frôlaient, se glissaient sous son lit, sur son lit. Puis, les miaulements devenaient tour à tour, aboiements, hurlements, parfois craquements,gargouillments. Finalement, tous ces cris se mêlaient en un tohu-bohu infernal.

Man Koupany se traîna jusqu’à la chambre de son fils. Celui-ci dormait profondément. Elle s’installa dans le fauteuil. Les mains plaquées sur ses oreilles, elle essayait de calmer la douleur qui faisait vriller ses tympans. Elle n’arrivait pas à rester assise.

Elle allait-venais, tournait-virait de la chambre à la cuisine. Incapable d’avoir la moindre pensée, elle versait des larmes de désespoir et de souffrance. Quand, à six heures du matin, Julien se réveilla, ne percevant pas le va-et-vient habituel de sa mère, il frappa à la porte de sa chambre.

Comme il n’entendaient pas de réponse, il ouvrit. Il la trouva assise sur son lit, les yeux exorbités, comme pétrifiée. Man Koupany avait perdu la raison.


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