La nation Gédé-Banda

La nation Gédé-Banda dans le vaudou haïtien


La nation Gede-Banda est celle associée au cycle de la mort et de la vie, et au cimetière. Les loas président à l’escorte gédé sont Baron samedi, et son épouse Maman Brigitte.

Tout deux vêtus en grand deuil sont pourtant-gossier et facétieux. Baron samedi est un homme noir, visage poudré de talc afin de le rendre gris comme les défunts, ses vêtements sont ceux d’un porteur ou d’un croque-mort du siècle dernier, mais souvent en mauvais état. Il porte une canne, souvent à pommeau phallique et un chapeau haut-de-forme cabossé. On pourrait penser qu’il s’agit le représenter un corps exhumé, avec ses vêtements du dimanche et les colifichets qui on été mis en bière avec lui. Baron porte des lunettes cassées, un seul verre est fumé. C’est ainsi qu’il arrive à tout visualiser. C’est aussi pour signifier que nulle ombre ne demeure, qu’il est au courant de ce qui existe dans la nuit.

Un œil pour voir le monde des esprits. Il préfère que les hommes le voient comme un aveugle avec ses paires de lunettes noires, car de toutes les civilisations du Dahomey, les aveugles sont protégés par les dieux dont ils sont parfois les messagers et ils sont ainsi préservés, pour leurs conseils et leur vision intérieure et spirituelle. Brigitte est une femme à la peau claire et aux cheveux roux. On pense qu’elle peut être l’image de Sainte Brigitte, amenée d’Irlande par les marins britanniques. Un chant populaire dit : Maman Brijit, li soti nan Anglete. Son identité est aussi source d’interrogations.

Man Brigitte

Pourquoi Brigitte ? Et pourquoi la représenter blanche au sein d’une religion farouchement décolonisée ? On peut imaginer plusieurs hypothèses. Brigitte règne sur le cimetière avec son époux, et gère le commerce du sexe dans celui-ci. Elle pourrait être à l’image des commerces dans les cimetières français à l’époque de la Compagnie du Sénégal, fondée en 1673, bien avant le démantèlement des fameux cimetières des Innocents, connu aussi pour sa fréquentation de lingère et de marchandes cherchant à arrondir les fins de mois.

Sainte Brigitte, qu’elle soit Suède ou de Kildare, est vêtu d’un habit blanc et rigide de religieuse, la guimpe bien fixée sous le menton. On peut imaginer que les esclaves, voyant cette femme drapée de blanc, les yeux fermés en prières, le menton soutenu, ont pensé au défunt dans sont linceul, à qui on nouait un linge autour de la tête pour maintenir la mâchoire fermée. Maman Brigitte ne descend que peu en cheval, mais lorsqu’elle vient, il faut mettre dans son suaire, obturer ses narines et oreilles de coton, nouer ce linge autour du visage et la veiller. Ensuite seulement, elle donnerait conseil et bénédiction dans un langage grossier:                                                                                                                                                                                               

Mesye la kwa avansé pou l we yo ! Maman Brigitte malad, li kouche sou do, pawol anpli pa leve le mo mare tet ou, mare vant ou, mare ren ou, yo prale w eki jan yap met a jenou.  

(Monsieur la Croix, avancer pour voir ! Maman Brigitte est malade, elle est couchée sur le dos toutes vos paroles ne lèveront pas le mort nouez un foulard sur votre tête, sur votre ventre, sur vos reins   vous verrez comme les gens se mettent à genou)                                     

Cela dit Brigitte est loin d’être une sainte. Gardienne du cimetière avec son époux, elle est en charge des affaires des travailleuse du sexe et n’aide que les femmes. Elle utilise un langage grossier et fume copieusement le cigare. On l’imagine souvent en tenancière lupanar, car le sexe est très présent chez les gédé. Loa de la mort, ils sont avant tout les garants de la fécondité, du renouveau. Cette notion est sans doute la clé de voûte du vodou. La mort engendre la vie. Un enfant qui naît, c’est un ancêtre qui revit. Après eux viennent divers barons aux noms évocateurs : baron Cimetière, Baron La Croix, Vyè Baron (le vieux baron) …

BARON SAMEDI

Les gédés

Leurs petits enfants sont les gédés. Esprits de morts et du cimetière, ils sont des milliers et chacun a son style. A vrai dire, chaque tombe peut abriter un gédé. Chez eux, il n’y a aucun tabou. C’est le privilège des morts de ne plus ressentir ni gêne ni honte. Les orientations sexuelles ou de se genre sont moquées, tout comme la maladie ou le statut social. Avec l’arrivée du SIDA en Haïti, les gédés dispensent des plaisanteries sur les organes génitaux qui contaminent, actuellement, ils rient de la corruption qui mine le pays. Gédé Plumaj, par exemple, est un personnage de carnaval avec des plumes et paillettes, Gédé Fatra est connu pour semer le désordre lui… Ces personnages ne sont pas le fruit du hasard.

A la manière du fou des œuvres de Shakespeare, les gédés, au-delà des farandoles joyeuses, des plaisanteries grossières, sont les messagers de l’autre monde, porteur de vérité faisant et défaisant le destin des vivants. Gédé Plumaj s’est un jour adressé à une mambo, le hounsi qui était possédé avait revêtu une cape pailletée et s’éventait lascivement : « Tu veux des zombis Mamzelle Mambo ? J’ai plein de zombie dans mon cimetière, garçon, fille, choisi ! Ils travaillent pour toi ! » Le simulacre de vente d’esclaves fait partie des facéties des esprits.

En rejouant un traumatisme commun de manière grotesque, en se l’appropriant ils sont les thaumaturges d’une mémoire collective douloureuse. On peut penser, au travers de cet exemples et de nombreux autres, qu’il serait incorrect de dire que les gédés ne s’intéressent qu’au corps défunts.

La mort libératrice

Pour comprendre ce rapport à la mort libératrice, il est intéressant de se pencher sur l’étymologie de baron.

Ba-boun, en langue fon, est celui qui a outrepassé un tabou, qui a rompu le sacré. Une hypothèse avancée par Max Beauvoir serait qu’il a été puni de la peine de mort pour un crime commis, pourtant Baron est immortel, le seul immortel à voir à la mort de près, et par la ruse, à s’en dégager. Il devient donc le fossoyeur du cimetière et veille sur le corps, mais il est aussi le passeur sur le bateau d’Agwe, le loa tantôt capitaine tantôt pirate.

Les fêtes et libations pour les gédés  sont une des fêtes les plus importantes du calendrier vaudou. En Haïti, la fet gédé dure plusieurs jours, que ce soit dans les cimetières, ouverts en permanence, et s’installent pour les cérémonies, faisant sacrifices et offrandes aux grandes croix noires érigées. La tombe la plus ancienne de chaque cimetière est choisie pour être celle Baron- Samedi, celle d’une femme devient celle de Brigitte, symbolisée par un amas de pierres. On leur offre nourriture, boisson, chant, et danse jusqu’à l’épuisement.

Le rhum de Baron- Samedi, est appelé le piman. Dans la bouteille macère vingt et un piments. Scotch bonnet, tirant 250000 sur l’échelle de Scoville, et diverses plantes, dont le kadav gâté qui porte bien son nom, du fait de son odeur.

C’est d’ailleurs ainsi qu’on reconnaît un « vrai » cheval d’une comédie. La personne chevauchée peut boire ce breuvage comme de l’eau, se laver le visage, voire les yeux ou les partis intimes de celui-ci. Ce qui est bien évidemment impossible si l’esprit n’est pas présent…Cet excès de boisson et cette débauche de comportements qui seraient autrement réprimés par la morale viennent des gédés eux-mêmes. Pendant quelques jours, hommes et esprit ne font qu’un.

On en profite pour saluer les ancêtres, qui ont une importance capitale, et on demande chance, argent et santé à Baron- Samedi. On lui demande aussi des enfants, d’être fécond. Maman Brigitte, qui est réputée n’aimer guère les hommes, prodigue conseils et remèdes spirituels aux femmes qui en font la demande souvent de faire prospérer un petit commerce, qu’il soit licite ou non,ou de guérir une infertilité.

Cette joyeuse sarabande dure toute la semaine suivant la Toussaint, et c’est sous les voûtes crâniennes et célestes que les divinités devenus, terrestre séjournant quand elles veulent commémorer les bacchanales éternelles, et célébrer les rites de fécondité ou d’union. Là, elle trouvent des saints et vierges bleues, noires et roses, infinies et insondables, aux regards humains, au milieu d’un bosquet formé d’os et de tibias humains. La fête est fini. Chacun retourne chez soi, le visage  enfariné, la bouche râpeuse d’excès d’alcool et de tabac, gardant le souvenir joyeux d’une rencontre avec l’infini. 

Source:
-Rites funéraires vaudou


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