L’allée des Soupirs
Raphaël Confiant
Roman créole
Parution en 1994
“L’allée des soupirs décrit le quotidien d’un quartier populaire de Fort de France à la fin des années 1950: Les Terres-Sainville. Quelques jours avant Noël une émeute surgit, sans que personne l’ait prévue. Les forces de l’ordre tirent sur ce peuple qui attendait tout de celui qu’il appelait «Papa de Gaulle»…”
Mon avis:
Depuis mes 15 ans , j’ai toujours clamé haut et fort que le meilleur roman que j’ai pu lire jusqu’à maintenant est Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. Mais depuis que j’ai découvert l’allée des soupirs, je ne peux plus l’affirmer. Ce roman est littéralement une pure merveille, un authentique joyau de la littérature créole. Il met avant le grotesque créole dans toute sa splendeur dont nous somme imprégnés et qui contribue à notre grande originalité.
Ancinelle Bertrand, la jeune et « belle chabine dorée aux yeux verts de dix-sept carats », court à un rendez-vous galant à l’Allée des Soupirs quand elle tombe sur une révolte populaire qui venait d’éclater. Son amoureux, monsieur Jean, un quinquagénaire fou de Saint-John Perse, est également retardé par le même événement.
A travers leurs amourette, nous découvrons les origines du conflit et les différentes périphéries des amoureux ainsi que les habitants du quartier. Ce quartier populaire abrite des personnages pittoresques, hilarants, grotesques et attachants mais surtout fidèle a la réalité de la société martiniquaise de l’époque.
Bien évidemment comme toutes sociétés créoles, les commérages vont bon train, on ne sait jamais ce qui est vrai ou ce qui est faux. De ce fait, le narrateur n’hésite pas à explorer les différentes versions des commérages.
En effet, qui peut connaître la vraie histoire de Fils-du-Diable-en-Personne ou celle de Ziguinote, l’Indien gardien du cimetière des riches ?
Qui est vraiment Sidonise Vincent, dite Shirley Vingrave alias Sylvia Menendez, la pacotilleuse qui court d’une île des Caraïbes à l’autre pour se fournir en marchandises de toutes sortes ? Eugène Lamour est-il vraiment le don juan que l’on dit ? Et Cicéron, cet ancien étudiant en médecine devenu fou dans le mitan de la tête l’est-il vraiment, si philosophe qu’il est ? Sait-on toutes les facettes de la vie de Madame Villormin, la vendeuse de bonbon et tenancière de boxon, en d’autres termes « pâtissière par-devant et mère-maquerelle par-derrière » ? Et le camarade Angel, qui est-il vraiment ? Mais surtout, est ce les balles ont vraiment traversé Grand Z’ongle le grand quimboiseur de l’île sans le blesser?
Leurs aventures rocambolesques, met tout d’abord en avant des faits historiques qui ont toute de même secoué l’île de la Martinique (couvre feu, exécutions des noirs, la montée du communiste, etc). Mais aussi,par l’humour et la dérision, l’auteur pointe du doigt les dérives du colonialisme, de l’assimilation, de la racialisation, etc qui imprègnent la vie quotidienne martiniquaise.
Il y a d’ailleurs dans ce livre une défense du créole par le personnage de Jacquou Chartier, le Blanc-France, qui lui voue un vrai culte et refuse de le considérer comme un patois vulgaire. Il affirme même que « la haine du créole n’est qu’un aspect de la négrophobie ». Le lecteur réalisera assez vite que la langue créole est une langue d’une extraordinaire beauté que nous gagnerons tous à découvrir et à aimer.
-Ah non! Vous vous trompez, mon vieux. Je m’y connais en peu en matière de langues et je vous assure que la vôtre est…comment dirais je…succulente. Elle a conservé précieusement tout un lot de vieux mots français des seizième et dix-septième siècles: “bréhaigne”; “hallier”, “falle”, “bailler”, “fiole” sans compter les parlures normandes qui y foisonnent. Mélangez moi ça avec des sonorité et des formes africaines et vous obtenez cet élixir verbal qu’est le créole.
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