gwo pwèl

Gwo pwèl


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Quand tout biguine dans ta tête et que ton petit cœur coule comme du chocolat de communion devant elle, tu te dis en chantant que tu as trouvé ta maman yich. Mais tu apprends brutalement qu’un autre, un mal chien mange la même hostie et boit à la même fontaine de miel que toi. Tu l’entends même lui susurrer aux oreilles, je vais te faire du sale, man pé ké respekté’w. Tu reçois donc une calotte sans lendemain que même tes ancêtres ne pourront atténuer. C’est ce qui arriva à Dylan…

Dylan était debout, statufié par le spectacle qui se déroulait devant ses yeux. Un grand nègre couleur wayway selon les manzel, de plus locksé provoquant la jouissance chez d’autres, dont le cou était le présentoir des bijouteries de l’île écrasait fap fap le bonda de Nadia dans son jacuzzi. Oui l’écrasait, pilonnait, dékatjè, tambourinait dans le jacuzzi qu’il avait spécialement acheté à la demande de sa fiancée. Un nouvel achat qui fut baptisée fap fap sous le soleil brûlant de midi.

Oh oui qu’il s’en rappelle de ce fameux baptême. Ses petites bandes quotidiennes au travail, dans la voiture, au supermarché et même à l’église le prouvaient.  

Le cocufié avait tout donné à Nadia. Wi tout bagay, sa sueur, son sang, ses rêves, sa semence tout. D’ailleurs, il avait travaillé comme un chien créole pour lui offrir un digne palais juché sur les hauteurs du Morne Cacao. Hélas sa reine, sa future manman yich osa profaner leur temple sacré en se laissant manger par Kris :

-Oh oui Kris ! Hurlait-elle avec un gémissement coquin.

Un frisson de saisissement s’empara de Dylan. Plus elle criait, plus son cœur se décomposait en mille morceaux. Il manquait de peu, qu’il se transformait en zombi sur place. Nadia dans ses élans de gémissements et souplesse auraient pu littéralement le tuer sur place. Puis le ressusciter dans un cycle infernal jusqu’à la nuit des temps.

Kris ce chien-fer, ce isalop, était un loulou dont il manquait quelques dents qui vivait chez sa sœur dans la même rue que leur palais. Le chuchoté du quartier disait qu’il avait écopé sept ans pour vol à main armés et trafic de drogue. Et que malgré le bon revenu de sa sœur, il s’obstinait à ne pas aller voir un dentiste.

Bondié, comment diable Nadia, sa yéyèz pouvait s’abaisser à fréquenter ce genre d’individu ? Surtout après avoir décidé d’une date de mariage ?

Fanm sé djab ! Ne lui donne jamais ton cœur mon fils ! Lui martelait son père après que sa troisième épouse l’ai quitté. Il avait acquiescé pour lui faire plaisir sans jamais l’appliquer. Maintenant, il s’en mordait les doigts. Le cocufié aurait voulu réagir en sortant Nadia de l’eau afin de noyer froidement le chien. Mais il en fut incapable. Il fallait à tout prix éviter un woulélé qui risquerait d’alimenter le chuchoté du quartier.

De plus, il n’en avait pas la force. Le pauvre préféra tourner son regard pour s’en aller. Il descendit le Morne Cacao en fixant droit devant lui tel un zombi. Marcha pendant une heure, puis deux heures, et même trois heures jusqu’au bord de la rivière Mabouya. Il lui fallait un petit bain glacé pour se ressaisir et qui sait, le réveiller de ce cauchemar.

La lune pointa son nez comme à l’accoutumé. Dylan reprit le chemin du retour tout en fixant droit devant lui. A son arrivé, Nadia avait disparu tout comme une partie de sa garde-robe. Après son moment shatta dans le jacuzzi, elle fut surprise de voir la voiture de Dylan garée à sa place. La peur d’être démasquée tomba blo sur la jeune femme.

Mais point de Dylan dans les parages. Fébrilement, elle fit défiler les vidéos de la caméra de la porte d’entrée. L’heure n’était plus au doute. Il était rentré à l’heure où elle prenait son gouter au coco. Puis ressortit au bout de trente minutes. Si seulement, elle avait été plus attentive au lieu de s’emporter sous les coups de reins de Kris. Trop tard, il fallait qu’elle en assume les conséquences. Mais elle n’en avait pas le courage, Nadia fit ses bagages et retourna auprès de ses parents dans la commune d’à côté.

Les mois passèrent et le gwo pwèl semblait rongé l’âme en lambeau de Dylan. Ah le linbé, c’est une espèce de douleur que même le Bondieu et le plus puissant des tjenbwazè ne pouvaient t’en délivrer. Malgré son humiliation, Dylan était prêt à pardonner Nadia. Même s’il voyait le chien cabrer sa veille moto devant chez lui. Mainte fois il aurait voulu le percuter, puis l’écraser lentement en le regardant droit dans les yeux. Malgré sa maladie d’amour, le cœur en charpie n’était pas prêt à faire de la prison. Fort heureusement.

Peut-être qu’elle voulait juste des nouvelles sensations avant de convoler ? Sans plus attendre, il jeta toutes ses bouteilles d’alcool puis roula rapidement vers la demeure familiale de Nadia. Lorsqu’elle le vit elle se jeta à ses pieds déboussolée. Après avoir peaufiné son ingénieux plan, il était temps pour elle d’entrer en scène afin de récupérer son palais.

-Mon Dieu Dylan, pardonne-moi ! J’ai été tjenbwazé ! Je ne savais ce que je faisais ! Pleura-t-elle.

Comédienne pour sûre. Mais tous les procédés étaient permis, n’est ce pas ? Une simple période de sensation forte qui lui fit rapidement déchanter. De toute façon tjenbwa ou pas elle aurait tout de même avalé son bandit.  Ses parents se joignirent à la comédie. Grands commerçants, ils avaient déjà commencé à stoker des caisses de champagne.

-Bondié yich mwen ! L’amarrage a été fort sur elle oui ! On a dû lui faire 3 bains consécutifs à chaque lune montante, gémit le père de Nadia. Elle a faillit nous entailler la peau tellement qu’elle était amarré mon garçon.

Evidemment, cela ne pouvait qu’être l’œuvre du diable. Nadia aurait été incapable de le trahir ! Pas après lui avoir tout donné. Sans plus attendre, l’ingénieuse retourna dans son palais en grande pompe. Pendant ce temps, Kris ruminait.

Koké une bourgeoise lui procurait une certaine satisfaction. C’était son doigt d’honneur aux couillonnades de la société. Mais depuis son retour au Morne Cacao, elle s’évertua à l’effacer de son existence. Quitte à le menacer de dénoncer son petit champs anba fey de cannabis dans les bois avoisinants. Ah quelle diablesse !

Nadia avait même colporté son mensonge auprès de sa sœur. Son aîné lui reprocha virulemment d’avoir eu recours à ce genre de procédé. D’ailleurs, elle le menaça de le foutre dehors car sa maison était le foyer du Christ en personne.

Fou de rage, Kris sollicita l’aide de Claudelson, un homme originaire d’Haïti qu’il avait rencontré en prison. Il était réputé pour détenir un pwen d’amarrage, un héritage paternel.

-Mon frère rien de plus simple. Lors d’une lune descendante, il faudra que tu enterres sous un corossolier du jardin de ta copine sa culotte avec 3 gouttes de ta première urine du matin. Puis avant de reboucher le trou tu y placeras deux feuilles de basilic attachées avec une ficelle rouge. Pa pè, après neuf jours en priant Erzuli elle sera à toi.

Pour finir, Claudelson lui remit un pendentif avec deux pierres de quartz rose enlacées dans une ficelle rouge.

-Ne la retire jamais de ton cou. Quoi qu’il arrive.

Ce fut le soir même, qu’il se faufila comme une ombre dans le jardin de Nadia pour y enterrer son amarrage. Malgré un séjour en prison, le loulou était impatient. Voir Nadia s’afficher radieuse auprès du tébè, le vexait au plus haut point. Et dire qu’il n’avait pas si longtemps, elle pleurait pour lui car il avait mieux à faire que de venir la koké. Hanhan, il en avait marre de son dédain. Cette femme était trop arrogante à son goût.

N’y pouvant plus, il l’a suivi à moto pour lui gueuler à travers la vitre la fameuse phrase “pli ta pli tris”. Cet avertissement glaça Nadia et en même temps l’alerta pour mieux le scruter. Elle découvrit rapidement l’étrange nouveau pendentif au cou de Kris.

S’il y a bien une chose que les commères ne savaient pas sur la famille de Nadia, c’est que de jour, il était d’influent commerçant et de nuit des adorateurs de la Lune. Etant sous la protection lunaire donc des énergies féminines, Nadia sentit que ce pendentif serait l’instrument de sa perte. Après avoir convoqué ses deux tantes maternelles, elle se mirent en triangle pour un rituel divinatoire.

Au bout de trois heures de réflexion, Nadia eu une vision de Kris près de son corossolier. Aussitôt elle se mit à creuser tout autour de l’arbre. Enragée elle y déterra rapidement son amarrage.

Ah la vengeance d’une femme n’est pas quelque chose à prendre à légère. Piès ! Même que le diable en personne ne pourrait t’en délivrer oui ! Nadia quémanda urgemment l’aide de son père pour couper l’arbre. Puis elle pilla les feuilles de trois branches avec de la cendre. Le soir même aux alentours de trois heures du matin elle dispersa discrètement la poudre dans les quatre coins du cimetière de la commune.

Un esprit couleuvre qui y passait à ce moment-là accepta cette offrande. C’est ainsi que tous les trois jours, Kris sentait une couleuvre s’enrouler autour de lui. Cette terrible sensation provoquait brillamment un sentiment de détresse et de suffocation.

Le chuchoté du quartier, un peu en retard mais un tantinet véridique, colporta que Kris s’était réfugié dans les bois en rampant à terre comme une couleuvre. L’esprit avait donc remporté sa proie. Quant à Nadia elle mangeait bien tranquillement son sorbet à la goyave dans son nouveau jacuzzi sans le moindre regret.

Valérie RODNEY
Illustration de Rikiel Bajoli @rcrow_n


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Un commentaire pour “Gwo pwèl”

  1. Excellent bonne continuation
    Sé Moun péyi a ni talen!!!!

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