
L’involontaire retour des morts aux Antilles
Extrait de l’étude de Christiane Bougerol
Dans la tradition des Antilles françaises un mort cesse de s’immiscer physiquement dans le monde des vivants au plus tard quarante jours après son décès. Jusque-là, l’esprit – le mort dit-on aussi – reste chez lui où il a été ramené après l’enterrement. Si, après la cérémonie, on retourne à la maison du défunt “déposer l’esprit”, c’est pour que, selon son désir, il y reste le temps de s’habituer à sa nouvelle condition de trépassé, de s’accoutumer à l’idée de se séparer des siens, en somme le temps de faire son deuil des vivants.
Mais c’est aussi, pour ceux qui ont assisté aux funérailles, une façon de s’assurer que le mort ne les suivra pas chez eux. Pendant neuf soirs, la famille et les amis prient à la maison du défunt, une messe clôt cette neuvaine.
Quarante jours après l’enterrement une grand-messe achève le rituel funéraire. Généralement, passé ce temps, le mort se “place” de lui-même au cimetière. Dans la tradition antillaise, le cimetière, gardé par saint Benoît et sainte Radégonde, est l’équivalent du royaume des morts ; quant au paradis, au purgatoire et à l’enfer “c’est après” dit-on. Parfois le mort rejoint le cimetière avant l’expiration du délai de quarante jours, mais il le fait rarement avant la fin de la neuvaine. Il en serait physiquement empêché par ses effets encore tout imprégnés de sa présence – notamment de sa sueur.
La neuvaine achevée on lave minutieusement tout son linge et on brûle ce qui ne peut être récupéré. Ce rituel vise à faciliter le départ de l’esprit vers le cimetière en le déliant de tout ce qui l’attachait au monde d’ici-bas.
Tant que l’esprit demeure parmi les vivants, ces derniers décèlent sa présence par des “manifestations” : bruits, portes et tiroirs qui se ferment ou s’ouvrent seuls, apparitions du défunt, odeurs de cadavre ou de “vernis de cercueil”, mésentente sans fondement dans la famille. Si ces “manifestations” persistent au-delà de quarante jours, elles peuvent signifier que quelque chose a été mal accompli dans le rituel funéraire : une messe non dite, un linge mal lavé, le cercueil sorti tête en avant, etc. ; on pense alors que le mort est “gêné” pour partir.
A moins que le défunt ait été tué par sorcellerie, dans ce cas son esprit reste sur terre jusqu’à la date “écrite” de sa mort, c’est-à-dire celle fixée par la volonté divine. Il se peut aussi que des “manifestations” qui se poursuivent au-delà de quarante jours soient le fait d’un mort dit “récalcitrant” qui ne se résout pas à sa condition de mortel, regrette la vie et refuse de quitter le monde des vivants.
Alertée par les “manifestations” tardives, la famille consulte un “quimboiseur” . “Quimboiseur” ou “gadédzafè” ou “menti-mentè” : guérisseur et voyant. Celui-ci interroge le mort sur les raisons de sa présence et transmet le message aux vivants. Ces derniers, selon le cas, réparent une négligence ou décident de venger le mort s’il a été exécuté par sorcellerie.
Dans tous les cas le quimboiseur doit replacer l’esprit au cimetière. Penser que le défunt a besoin d’un certain temps pour quitter le monde des vivants et rejoindre le royaume des morts correspond à une représentation symbolique des doubles funérailles, telle que l’a analysée Robert Hertz.
Toutefois aux Antilles aucune manipulation du cadavre ne ponctue la fin du temps imparti aux défunts pour “passer de la société visible des vivants à la société invisible des ancêtres” .
Une fois “placé” au cimetière le mort a un rôle exclusif de messager vis-à-vis des vivants. Une personne confrontée à une situation difficile peut recevoir au cours de son sommeil un message émis par un défunt : un conseil, une mise en garde ou la composition d’un remède. Souvent le messager est identifié, c’est un parent, un ami, toutefois il arrive qu’il se réduise à une voix entendue en rêve. Parfois le quimboiseur interroge un parent défunt de celui qui vient “regarder ses affaires”.
En général c’est le consultant qui demande que tel parent soit questionné pour lui dévoiler le cours des événements ou lui révéler la cause du malheur qui l’afflige. De lui-même le quimboiseur peut avertir son client qu’un “ancêtre” lui communique telle chose ; l’ancêtre en question n’est pas identifié. Fréquemment on entend dire qu’un défunt qui fut attaché à sa famille “protège les siens en les avertissant”, sous-entendu d’un danger, d’un malheur.
Le mort maître de lui-même intervient par le seul biais d’avertissements. Ces avertissements, les vivants les sollicitent en honorant les disparus, par exemple à l’occasion des fêtes de la Toussaint. Une fois “placé” un défunt ne se manifeste ni pour se plaindre ou réclamer ni pour punir ou se venger : “il a oublié” dit-on. Cette formulation peut paraître paradoxale puisque le mort n’oublie pas forcément les siens quand il les sait en mauvaise posture.
Ce paradoxe est encore mieux illustré par la sentence si souvent entendue : “un mort est mort… oui, mais pas tout à fait.” Ce “pas tout à fait” désigne le minimum de volition qui se manifeste chez le défunt quand il décide de mettre en garde les siens, et que les vivants sollicitent.
En ayant quelques bases sur les rites funéraires du vaudou, vous verrez les flagrantes ressemblances entre ces pratiques. Il serait tentant d’avancer que nous pratiquons un vaudou inconscient sous le couvert de l’Eglise catholique.
lafleurcurieuse
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À travers notre cercle de parole (en story) sur les différentes thématiques/problématiques qui animent notre quotidien, nous découvrons de jour en jour des philosophes. Des poètes qui nous invitent à nous recentrer sur l`essentiel.
Nos îles regorgent de nombreux talents. C`est donc le début d`une nouvelle rubrique à mon avis.
#tètchapé
"Erzulie Freda (lwa de l`amour) il faut t`associer avec ceux qui protège le ounfò".
Nous pouvons aisément philosopher sur les différentes directions qu`émane cette parole.
Au plus simple : Qui protège le ounfò (temple vaudou) ?
Selon la tradition, les lwa Sobo é Badè qui sont la personnification de l`énergie de la foudre et du vent. ⚡️🌪.
Sur le plan spirituel, la foudre représente les soudaines révélations ou le dévoilement des vérités enfouies. C`est un conducteur. Tandis que le vent symbolise, le souffle divin, le dégagement, les faveurs divines, prendre un cap.
Dans de nombreuses spiritualités ancestrales, un lieu frappé par la foudre est sacré ! Le ounfò est un lieu hautement sacré donc associé à ces lwa.
Symboliquement le coup de foudre est la représentation/manifestation de la puissance divine. La loi de l`Amour est la première loi cosmique et la plus importante. Cette loi est la reconnaissance que tout est né de la même racine/source. Le coeur (associé à l`appareil respiratoire/soufle) est l`organe qui diffuse l`énergie vitale dans le corps tout comme l`amour coule dans toute chose...
Nous devons retrouver le chemin du cœur, écouter l`appel afin de trouver en soi son alignement sacré.
Ayibobo
#vaudou #fokousav
Danbala Wèdo est la personnification de l`énergie du soleil. Le soleil brûle également donc il y a une autre facette de cette énergie soit Danbala laflanbo.
En effet pour créer tout type d`ordre, il faut une énergie ardente flamboyante et intense. Pou mété lòd fok ou fouté dézod !
Quand ta mère a du pousser pour sortir ta grosse tête fwiyapen de sa koukoun, elle a dû puiser dans son feu intérieur pour se donner du balan afin de t`expulser. Mi sé sa !
Danbala laflanbo est la personnification du feu argent, flamboyant et intense pour créer tout type de nouvel ordre. C`est ainsi que toute sorte de révolution individuelle, communautaire, sociale ou politique se produit.
Une energie qui anime ce type de création avec la chaleur du feu brûlant et régénérative 🔥
#vaudou #fokousav
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