
Une histoire de quartier : pawol gran moun
Sur la route de Balata, juché sur un imposant morne, deux quartiers se côtoie : quartier De Briand et quartier Godissard. Néanmoins, dans le langage courant, nous avons tendance à englober ces deux quartiers sous l’appellation de quartier Godissard. Secteur G pour certains, grâce à sa réputation sulfureuse dans le banditisme, est maintenant un lieu abandonné par la population, et même par la mairie. D’ailleurs les chiens errants y font la loi tout comme l’obscurité par le manque d’éclairage.
La jeunesse qui hérite des petites maisons familiales ne souhaite plus y vivre. La promiscuité d’antan n’est plus dans les mœurs d’aujourd’hui. De plus, les maisons figées dans le temps de nos grands-parents, n’attirent guère les acquéreurs. Ayant vécu dans les années 90 et jusqu’à maintenant sur ce morne, j’ai été témoin de son déclin dans la violence et l’insécurité.
Un endroit où chacun veut imposer son mode de vie sans se soucier du voisinage : travaux le week-end dès 6h du matin, grosse musique récurrente au mitan de la nuit et en pleine semaine, course de moto à n’importe quelle heure, poubelle improvisé au mitan de la rue. Un boucan où la plupart d’entre nous on apprit à s’y accommoder, non par choix.
Je peinais à croire qu’avant, ces deux quartiers étaient à l’époque de nos grands-parents, un lieu fleurit et convivial. Un lieu ouvert où la végétation faisait office de séparation. Un grand lakou où les enfants étaient élevés par tout le monde. Une époque où les portes pouvaient rester grandes ouvertes sans affaire de vol. Une époque où le collège enfantait les meilleurs élèves du lycée Schoelcher.
Oui, une époque dont la vieillesse du morne regrettait. Les rares survivants de ces années glorieuse regardent maintenant avec amertume leur quartier. À travers leur persienne, ils se remémorent ce passé en se demandant « ki sa ki rivé nou ? ».
Heureusement, leurs maisons encore debout, témoignent toujours de cette époque conviviale. Certes, petites mais douillettes. Les petits carreaux vintages beiges et rouges soutiennent toujours les beaux et robustes meubles en acajou ou encore en mahogany. Les napperons blancs et toujours immaculés tapissent les commodes en bois noble. Ou encore une multitudes de photos : le baptême de untel, le mariage de l’autre ou encore un souvenir au bord de la mer. Sans oublier la belle vaisselle et les bondieuseries qui agrémentent ce cocon familial aux couleurs chatoyantes.
« Dans ma rue, nous formions une grande famille, les enfants couraient partout. Ils étaient sous la responsabilité de tous les adultes. Faut pas croire que la vie était douce pour nous. Nous avons tous connu une époque de misère mais dans cette déveine, nous pouvions compter sur nos voisins. Il y avait toujours un voisin pour te dépanner, une marmite de soupe, un sac de fruit et légumes, un morceau de tissu, etc. Si une famille avait la télé, elle accueillait les enfants le dimanche afin qu’ils puissent visionner les émissions dominicales.
Lorsque le cyclone Edith s’était abattu sur notre quartier en 1963, les familles dont les maisons étaient toujours debout hébergeaient les familles sans abris, sans affaire de service ou de payement. Non, une simple entraide entre nous. Puis du jour au lendemain, tout avait basculé. Comme si le diable avait décidé de venir chez nous. Une simple dispute d’enfant se transforma en une guerre entre adultes. Celle-là pouvait battre sa voisine dans le caniveau. Un autre pouvait prendre son coutelas ou même le fusil contre son voisin alors qu’avant, ils étaient bons amis.
D’autres pouvaient accuser injustement untel de sorcellerie. Les arbres et les bosquets qui nous séparaient fut remplacés par des grilles et des affreuses briques. Chacun commença à bétonner son jardin afin que les enfants de la maisonnée puissent jouer entre eux et non plus avec les enfants du voisinage. La disparition tomba blo sur notre entente d’antan. Ki sa ki rivé nou ében bondié ?
Maintenant nous nous retrouvons seulement aux enterrements, hélas il est déjà trop tard».

Ce poignant témoignage confirmé par d’autres vielles personnes du quartier me fit songer à une parole de Tony Deslcham dans son livre « Sauve qui peut à Schoelcher » :
« Pendant longtemps, la Martinique s’était vantée de l’inexistence d’un milieu peuplé d’individus sans foi ni loi. Le crime crapuleux, à cette époque, était inconnu et les jurés des assises n’avaient que des crimes passionnels, commis par de pauvres bougres victimes d’un coup de sang à mettre sous la dent.
Epoque bénie où chacun cultivait le respect de la propriété d’autrui, où l’automobiliste ne songeait même pas à bloquer les portières de son véhicule, assuré de retrouver à sa place, la sacoche ou l’appareil photo laissé au vu et au su de tous. Aucun propriétaire de maison ne songeait à barricader portes et fenêtres. Et puis, la civilisation était arrivée, désormais Paris et ses modes culinaires, capillaires, vestimentaires et autres, proposait, suggérait, imposait.
La pomme de terre avait remplacé le fruit à pain, les spaghettis le tinin. Le poisson, encore sautillant dans le panier de la marchande, s’était transformé en espèce de bout de bois figé par le progrès technologique et qui, affirmaient par les étiquettes, l’origine du cabillaud, sarde ou thon. Plus personne ne s’intéressait à la production née de l’effort et de la sueur.
Fasciné par l’achalandage des grandes surfaces, on ne recherchait plus que le billet de banque qui permettait d’acheter des vêtements comme à Paris, des steaks frites avec du ketchup comme à Paris. Les campagnes se désertifièrent, Fort de France, caisse de résonnance de la marche civilisatrice s’empiffra au rythme des espoirs. Puis, des milliers de candidats au bonheur importé, virent leurs rêves déchiquetés sur le mur des réalités.
Ils ne respiraient plus que l’air vicié des villes et s’entassaient, dans le meilleur des cas, dans des H.L.M surpeuplées. Les autres tournaient, viraient, squattérisaient un immeuble, une savane, un morne, une plage et subissaient les dérapages du système : prostitution, toxicomanie, délinquance devenaient leur univers. Lentement, ils se structuraient, générant dealers et toxicomanes, manawa et proxénètes trafiquants et chefs de bande. »
En lisant ces lignes, je ne peux que penser que le déclin des quartiers De Briand et Godissard sont la représentation microscopique du déclin de la société martiniquaise au profit des mœurs du pays froid de la personne. Maintenant, le peu d’espace de jeu pour les enfants est squatté par les djompi. La nuit sans éclairage est le moment propice pour exécuter ou braquer quelqu’un. Ki sa ki rivé nou ?
Chaque vieille personne qui meurt dans leur petite maison d’antan est une histoire ou encore un espoir qui se perd dans les méandres de notre oublie collectif. Heureusement, dans ce lieu bétonné, la végétation reprend chaque jour sa place. Les quelques petites rues fleurit et les arbres à pain, manguiers, papayers ou encore cocotiers qui résistent, sont les témoins d’un ancien jardin créole à ciel ouvert.
Il est temps de renouer avec nos aïeux et de retrouver notre mémoire afin que les majestueux arbres de notre île puissent pousser avec nos cendres caribéennes.
Valérie RODNEY
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Les contes et légendes font partie de notre tradition orale. Mais connaissons nous vraiment l'étendue des dégâts provoquée par la christianisation ? Il faudrait sans doute revisiter certains de nos contes...
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Petite introduction à notre médecine traditionnelle antillaise afin de valoriser notre héritage. Bien évidemment, cela peut différer selon les îles car les Antilles ne se résument pas qu'aux îles colonisées par la Fwans.
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Save the date !
Vous êtes de plus en plus nombreux à me reclamer un live pour expliquer mon parcours spirituel et surtout mon affinité avec le vodu haïtien.
Comme dit certains : pourquoi le vodu haïtien ? En 2023, les gens sont toujours choqués mais bon dapré yo hein 🤣.
Du coup, je ne peux plus faire la sauvage qui disait awa 😅. Faut bien que j'ouvre un peu ma bouche afin de mieux partager car en verité notre transmission est orale.
À vendredi 🌺
Je ne pouvais plus hurler haut et fort qu'il fallait dédiaboliser nos pratiques ancestrales, renouer avec nos ancêtres, renouer avec notre histoire caribéenne, etc sans m'initier dans le vodu haïtien.
Même si je faisais un travail de pédagogie, je me sentais de moins en moins légitime car je n'étais pas intiée... oui j'avais un autel, etc mais je n'avais encore vécu le nannan des choses. Du concret, du palpable, bref man viv li !
Merci Manbo Rosmy de m'avoir permis d'accéder au grade d'hounsi. Prochaine étape Haïti mais man poko paré 😅. En tout cas avec du recul, c'est là que je comprends mieux le pourquoi du comment de mon cheminement.
Les signes étaient déjà là, c'est juste que je n'avais pas encore la connaissance pour les comprendre. À l'heure d'aujourd'hui, je ne peux pas dire que les lwa n'existent pas, awa ! Et je ne peux plus me cacher.
Ayibobo
Les susceptibles comme la plante marie honte, ne perdez pas votre temps à vous emporter en commentaire ou en DM. Mwen san fouté car de temps en temps, il faut savoir prendre du recul et accepter nos défauts pour mieux avancer. La vie paradisiaque sous les cocotiers est une illusion pour bon nombre d'entre nous. Oui oui, c'est une realité même si certains trompent les makrel avec l'audi ou en paradant dans les soirées.
Bien entendu, je vois de loin ceux qui vont dire ki sa nou pé fè ? Depuis le temps que les gens en parlent et c'est maintenant que tu te poses la question ? Srx ? Tu vas au sud de l'île sans y voir le problème ? Tjip !
Bref man té ni sa pou di zot. Moi même là je vais lâcher prise lors de ma retraite spirituelle tant souhaitée. En espérant, que mes aïeux pourront plus facilement venir me voir pour enfin me communiquer la recette du parfum attrape un job afin d'aider Math la galère 🥴.
PS : les témoignages sont réels, j'ai juste changé le nom de certains surtout celui de Sonia la DRH, an bwabwa ki la (ou pa kontan ? Mwen san fouté !)
#martinique #guadeloupe #antilles #caraïbe #politique #retouropéyi #martiniquaise #martiniquais
Les milans du voisinage m'ont rapporté le gros cancan entre un jeune homme et son beau-père suite à un hématome cérébral de la mère..
Les mauvaises langues disaient que c'était parceque la tête de brave femme tapait trop souvent blo contre la tête de lit 🤣. Pour sûr, malgré les saignement dans la calbèche et les avertissements du neurologue, la dame ne voulait surtout pas arrêter son commerce avec son jeune et vigoureux époux. Hanhan piès !
"Mourir dans l'évanouissement de félicité de koko et de langue est la meilleure mort tonnè !" Disait elle à ses copines sur le parvis de l'église.
Pendant ce temps, le bruit dérangeait le sommeil du fils dans la chambre avoisinante qui malheureusement devait se battre entre une bande pas catholique ou un gwo pléré...
Sé mwen ki ka manjé lanbi manman'w disponible sur le site (lien dans ma bio) et en Podcast (Parole d'une commère caribéenne) sur Spotify, Soudcloud, Deezer, Amazon music.
Illustration bien comme il faut de @confluence_art_storytale
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La Box Mystère est enfin disponible en précommande sur le site lafleurcurieuse.fr (lien dans ma bio).
Dans cette box vous retrouverez des livres pou ba zot bon frison lannuit. Mais fort heureusement, vous pourrez compter sur votre bougie patate douce pimentée pour vous éclairer et même apaiser lors de vos insomnies 🤣.
Si rupture de stock et que vous en voulez une, n'hésitez pas à me contacter en DM 😉.
Ps : si reception avant la date la box sera envoyée.
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Je vous souhaite de bonnes vacances de Carnaval 🥳.
Je vous donne rdv à partir du 6 mars, le temps pour moi de souffler un peu et de préparer bien comme il faut la suite de mes projets.
Le réapprovisionnement des livres surtout de Sé vis ki est en cours. En attendant vous pouvez réserver votre exemplaire en précommande sur le site (lien dans ma bio). Et même découvrir le pouvoir mystique des plantes, disponible en Pdf sur le site.
Prochain podcast : Sé mwen ki ka manjé lanbi manman'w
Prochain livre : Les mystères occultes des îles, deuxième partie
Et après plus de 4 ans, j'ai décidé de faire occasionnellement des lives sur instagram. Mais occasionnellement hein ! Faut que je me déride un peu 😅.
Bisous
@yummymq est une amoureuse d’écriture épicée qui s’est retrouvée dans le faitout des mots lors de sa rencontre avec la scène slam de l’île. Elle aime mettre son grain de sel dans l’expression de la sensualité, et du miel dans celle de la sexualité. Dans le présent ouvrage elle s’essayera à la romance en restant fidèle à son premier amour, Le slam.
Elle vous plongera donc sans aucune discrétion et lubrifiant dans les tourments d’amour et de passion de Mél. Comme des voyeurs vous partagerez sa soif du désir jouissif, mais aussi sa descente dans les abysses de la dépendance.
@heritage_des_iles est le rêve du poto mitan d'une famille. Une mère qui a su partager et transmettre sa passion pour les plantes et la terre à ses enfants. Maintenant ses héritiers ont pour mission de créer un rituel autour de la tisane pour vous faire profiter des vertus des plantes de la Caraïbe au quotidien. Sur leur site, il propose toute une gamme de tisanes péyi dont ma préférée la Tisane Peyi Kayali Merise (atoumo, menthe, basilic et merise).
Résultat ce dimanche . Bonne chance 🌺.
#jeuconcours
À travers un écrit, Jonathan Soubarapa pratiquant de l'hindouisme en Guadeloupe partage avec nous quelques bases sur sa spiritualité ainsi que son expérience personnelle.
Si vous êtes curieux de découvrir cette antique spiritualité du continent Indien qui mérite amplement notre attention, n'hésitez pas à lire : Quelques notions de l'hindouisme aux Antilles sur le site lafleurcurieuse.fr (lien dans ma bio).
"Les Monsamy, les Manoutchy, les Pandrayen ou les Virassanin, tout ce peuple d’Indiens qui s’échinaient dans le nord du pays au profit des richissimes planteurs blancs, n’avaient plus souvenance de rien. La langue, les rites, les dieux, les chansons n’avaient été conservés que par une poignée de savants et de prêtres car en venant de ce côté-ci du monde, après avoir traversé deux océans, la mémoire n’était plus qu’un grand trou noir. Une souffrance insondable.
Et ici, dans ce pays-là, il avait fallu affronter de nouvelles épreuves. Le dur travail de la canne à sucre, le mépris des Blancs, le crachat des noirs, l’indifférence des mulâtres. […] Il avait fallu survivre dans toute cette dévalée de fléaux et le peuple indien, devenu couli, avait survécu. Il avait redressé la tête et demandait honneur et respect. […] »
Extrait du roman La Vierge du grand retour de Raphaël Confiant
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