Le fromager, arbre mystérieux aux Antilles


Les contes créoles mettent en scène un certain nombre d’animaux, comme Konpè lapen, Konpè Zamba, Konpè Zarényé (Anansi dans la Caraïbe anglophone) ou encore konpè Makak. Ces personnages d’animaux manifestent un anthropomorphisme plus ou moins prononcé et sont caractérisés par des traits encore plus codifiés que ceux qui définissent les humains. En général, Lapen symbolise la ruse et la débrouillardise, mais chaque personnage du conte peut avoir une signification différente selon ses actions et fonctions dans le conte.
Mais aussi, les contes et légendes font apparaître un certain nombre de créatures surnaturelles autour de l’arbre fromager.

L’arbre fromager

Aux Antilles, le fromager est lié à l’histoire de l’esclavage. Cet arbre solide a servi à plus d’un pour se pendre et échapper à ces conditions de vie inhumaines. Les esclaves étaient persuadés que s’ils se pendaient à ses branches, leur âme pourrait voyager au-dessus des mers et retrouver celle de leurs ancêtres. Rien d’étonnant à ce que le fromager ait gardé une mauvaise réputation.

La légende dit d’ailleurs que ce sont des arbres à zombis ou à soucougnan, qui accueillent l’esprit des morts. Les soucougnan sont des sortes de vampires, volants, plutôt féminins. Mais bien avant cela, les Indiens Caraïbes qui peuplaient les Antilles évitaient d’utiliser le coton du fromager, car selon eux, leur sommeil en eût été hanté.

Selon certaines croyances, le fromager serait purement et simplement l’arbre du diable. Un arbre où le diable, les dorlis et les diablesses… viendraient se réunir. De nombreuses personnes racontent y avoir croisés des êtres étranges à l’en bas ; au pied des fromagers. De plus il est recommandé de ne jamais se trouver à proximité d’un fromager quand il est midi. C’est à cette heure là qu’il parait que le diable y vient faire ses diableries. 

Le dorlis

Le dorlis est un homme ou une femme ayant la capacité de quitter son enveloppe charnelle la nuit afin d’abuser sexuellement de leurs victimes. En effet lors de l’agression, soit la victime dort et rêve d’une scène érotique ou malheureusement est réveillé et paralysé par son agresseur. Elle subit sans pouvoir crier ni bouger…Au réveil, la victime est fatiguée, courbaturée, en sueur avec des signes de relation sexuelle.

Afin de ne pas être victime de ce genre phénomène, il est recommandé de porter ses sous-vêtements à l’envers et mettre du gros sel près de son lit ou près des portes. Si présence de gros sel, le dorlis devra compter chaque grain de sel. Et avec un peu de chance le soleil apparaîtra afin de le brûler. Il est courant lors d’une agression, que la première personne que croise la victime en sortant de chez elle soit son agresseur…

Légende ou pas? En tout cas il était courant dans mon enfance de lire des témoignages des victimes sur le journal France-Antilles. En ce qui me concerne mettre du gros sel sous mon paillasson ne fait aucun mal surtout en Martinique.
De plus, pendant l’esclavage, la visite du dorlis pouvait expliquer la naissance du bébé du foyer avec la peau claire du maître. 

Le soucougnan

Le soucougnan (“gen gagé” en créole) C’est le maître de la nuit (de “soucou” : obscurité et de “gnan” : maître) ou “volan”, c’est une personne qui a pactisé avec l’esprit du mal. Le “soukougnan” se transforme en boule de feu pour aller sucer le sang de ses ennemi.

Cette personne à la tombée de la nuit quitte son enveloppe charnelle ( en cachant bien son corps) afin de se transformer en une boule lumineuse ou un oiseau noir. Dans mon enfance il pouvait aussi se transformer en chien, à l’époque je confondais soucougan et mofwasé (métamorphosé en animal).

C’est donc pour cela que la nuit, si je croisais un chien ou un chat, je m’évertuais à changer de chemin afin qu’il ne me suive pas… Et surtout je m’abstenais de faire peur à l’animal si il me suivait, au contraire je marchais vite. A force, la nuit quand j’entendais des bruits de pas sur le toit en tôle, je me disais probablement un soucougnan ou mon chat escaladeur.

Afin de ne pas subir le courroux d’un soucougan, il ne faut pas le pointer du doigt et le nommer surtout si il est en boule de feu. Mais le meilleur moyen de s’en prendre à lui est de verser du sel sur sa peau. De ce fait il ne pourra pas revenir dans son corps et il subira une mort lente. Chose qui n’est pas simple car en général il cache bien son corps.

La diablesse

La diablesse est une très belle femme dont les jambes sont des pattes de bouc. Pour certains habillé d’une robe rouge, elle attire les hommes par sa beauté puis les tue…Toujours se méfier d’une belle fille qui vous invite tout de suite à venir avec elle dans un endroit isolé

Le fromager, un intermédiaire

Dans tous les cas, le fort mysticisme qui entoure le fromager en fait un arbre respecté et protégé. En Afrique, il est considéré comme un arbre sacré et occupe avec le Baobab un rôle central dans beaucoup de contes où il aide le personnage principal, en se posant comme intermédiaire entre le monde des humains et le monde des esprits. C’est l’arbre qui abrite les esprits des ancêtres.

Chez les indiens Wayapi de Guyane, le tronc du fromager symbolise l’échelle qui permet à l’apprenti chamane d’accéder au monde des esprits qu’il veut domestiquer.

Pour les Mayas, le fromager était également un arbre très sacré : il symbolisait l’axe du monde, apparu au moment de la Création au centre de la terre. Parfois représenté sous la forme d’une croix, il a pu favoriser l’adoption du christianisme à l’arrivée des Espagnols. En certains endroits, une croix de couleur verte est encore adorée. C’est l’arbre national du Guatemala.

Le fromager, un arbre médicinal

Aujourd’hui, le fromager est surtout employé pour faire des bains de feuilles (ajouter quelques feuilles à l’eau du bain) en association avec d’autres espèces médicinales, pour le traitement de la bourbouille et des éruptions cutanées. En Martinique, on associe avec du cassia alata, caca-béké et glycérine.

Les propriétés anti-inflammatoires et hypoglycémiantes de son écorce ont été démontrées. Dans certaines région, la décoction de l’écorce est utilisée pour traiter les coliques abdominales. Au Congo, le décocté des feuilles est utilisé contre les aphtes, la gingivite, les diarrhées et les maux de ventre ! Au Mali comme au Laos, on recourt à l’écorce en cas d’abcès dentaire ou de gingivite. Les feuilles, elles sont utilisées pour soigner la conjonctivite ou le tétanos infantile.

La tisane de feuilles est recommandée en cas d’inflammation d’après Longuefosse (expert sur les plantes médicinales de la Caraïbes).


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