
L’affaire OJAM: les 12 jeunes expédiés en France
Coup de théâtre: le 9 mars 1963, à 4 heures du matin, les 12 jeunes sont expédiés en France par avion, menottés sous la surveillance de gardes mobiles, alors que l’aéroport du Lamentin est bouclé par un formidable déploiement de forces de gendarmerie. Ni familles, ni épouses, ni avocats n’ont été avertis.
Ces méthodes font grandir l’émotion et la réprobation dans l’opinion publique qui parle de “déportation”, de pression morale sur les jeunes pour les isoler de la sympathie populaire. Les avocats du Barreau de Fort de France unanimes protestent contre les conditions du transfert et le député Césaire pose une question écrite au Ministre.
Le Procureur Général est obligé de monter au créneau pour se justifier. Dans un communiqué, il déclare que :
…les inculpés groupés au sein d’une organisation clandestine et qu’ils ont dénommée OJAM (OJAM pour Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique) se proposaient non seulement par des moyens de propagande, mais également par une action subversive de détacher le département de la Martinique de tous liens constitutionnels avec la France.”
En France : protestations et solidarité
Les jeunes sont incarcérés à Fresnes où il obtiennent aussitôt le régime de prisonniers politiques, moins rigoureux. Un arrêt de la Cour de Cassation dessaisit le juge d’instruction de Fort de France au profit de celui de la Seine, M.Bonnefous.
L’opinion publique française, déjà informé des événements (articles dans “Le Monde”,”L’humanité” ) , est désormais alertée. Les associations d’étudiants guadeloupéens, guyanais, martiniquais, réunionnais, l’Association générale des travailleurs antillais et guyanais en France publient un communiqué de protestation. Un lettre des étudiants en médecine de la Faculté de Paris et de jeunes médecins martiniquais, avec une trentaine de signatures, demande la mise en liberté des emprisonnés.
Des personnalités françaises (JP. Sartre, écrivain, Jean Geoffroy, avocat, Sénateur du Vaucluse, JM. Domenach, directeur de la revue “Esprit”, Me Joe Nordman, Secrétaire Général de l’Association internationale des juristes démocrates, Me A. Borcker, avocat du Secours Populaire Français), tiennent une conférence de presse à Paris qui reçoit des messages de solidarité.
Me Odet-Denis, avocat guadeloupéen, ancien Président du Tribunal de Fort de France, dresse dans le Monde (24 mars), le dramatique tableau de la situation des peuples des îles. Il dénonce certaines méthodes électorales des Préfets en ces termes :” Des Préfets en sont venus à proclamer envers et contre tous les candidats non élus”. Et il sait de quoi il parle.
Le poète martiniquais Gilbert Gratiant publie son émouvant poème pour les jeunes : “Toute prison a sa fenêtre”. Le 13 mai les étudiant martiniquais des diverses facultés de France ont déclenché une grève de 24 heures.
La Ligue des Droits de l’Homme de France, la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique, l’Union Nationale des Etudiants de France dénoncent la répression et protestent.
D’autant plus que celle-ci se poursuit: 2 jeunes médecins Raymond et Christiane Voustad se vouient refuser par le Préfet leur prise de fonction au Centre Hospitalier de Fort de France, parce qu’ils ont signé une lettre de solidarité. En France même, fin juin, des perquisitions et interrogatoires sont effectués par la police chez une vingtaine d’étudiants martiniquais.
Le Directeur de la DST avoue que “les résultats” sont de faible importance”: 3 nouveaux jeunes, Léo Ursulet (à Toulouse), Renaud de Grandmaison (Bordeaux), Guy Anglionin (Caen) sont inculpés dans l’affaire de l’OJAM.
Le Ministre de l’Intérieur interdit une soirée de solidarité au profit des Familles organisée par le Secours Populaire Français, ce qui provoque la protestation du groupe parlementaire communiste. Plus de 100 personnalités françaises (écrivains, professeurs d’Université, médecins, politiques, artistes, dirigeants d’organisations de masse, religieux, officiers retraités), lancent un appel demandant la libération des jeunes.
Premier succès: 4 jeunes libérés
La protestation populaire marque des points: le 11 juillet le juge Bonnefous met en liberté provisoire 4 des emprisonnés : J.René Corail, R. Lordinot, G. Mencé, Saint-Rose. Le parquet mécontent fait appel.
La Chambre d’accusation décide de libérer les 4. C’est un premier succès. Une réception en leur honneur est organisé au Comité Central du PCF et au Secours Populaire Français. De retour en Martinique le 31 août par le paquebot “Flandre”, les 4 sont l’objet d’un chaleureux accueil populaire. Les gens applaudissent partout, les barrages de police sont emportés.
La station de Radio Caraïbes, qui avait donné un compte rendu objectif de l’accueil, passe dans le collimateur du Préfet qui écrit, dans son rapport au Ministre du 4 septembre :
“Cette station vit essentiellement de la publicité payée en majeure partie par les commerçants et négociants de Martinique et Guadeloupe. J’ai pris contact avec les principaux d’entre eux pour connaître leurs intentions et rechercher les moyens juridiques les plus sûrs pour faire pression sur Radio-Caraïbes afin d’éviter le retour de pareil incident”
Le Préfet ira jusqu’à interdire aux Maires de recevoir les 4 jeunes dans leur Mairie.
Le 18 juillet, les jeunes emprisonnés lancent une Déclaration qui est communiquée à la presse. La Ligue Française de l’Enseignement, au nom de ses 3 millions de membres, prend une motion à son Congrès du 19 juillet. Elle constate que “l’assimilation ne correspond plus à la situation mondiale de 1963 ni aux aspirations des populations antillaises, guyanaises et réunionnaises… s’indigne de la politique de répression.” Condamne le colonialisme et “exige l’application immédiate de la Charte de la Décolonisation adoptée par l’ONU en décembre 1961”.
Elle appelle ses militants à lutter “pour que soit reconnu sans délai aux peuples de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de la Réunion le droit de gérer leurs propres affaires et de décider librement de leur avenir politique et de leur destin”.
Les étudiants socialistes français demandent “une évolution du statut de ces départements qui satisfasse le vœu des populations et leur désir légitime de gérer leurs propres affaires”.
En Martinique, l’atmosphère reste tendue et au moindre incident, elle devient survoltée. C’est ce qui se produit, le 12 juin 1963, à Fort de France avec l’Affaire Tricot.
Je vous invite fortement à visionner le documentaire de Camille Mauduech: La Martinique aux martiniquais – L’Affaire de l’Ojam, sortie le 18/04/2012
Source:
–Histoire de la Martinique de 1939 à 1971 Tome 3 du Pr Armand Nicolas
Vous aimerez aussi

Les émeutes de 1959: le décembre noir

L’histoire des Terres-Sainville

L'affaire des 16 de Basse-Pointe (1948)

L'assasinat de Zizine et de Des Étages par les gendarmes : mai 1925

Un climat de violence: l'Affaire Beauregard

Chronique des sept misères, paroles de djobeurs

Mon Instagram
Une pause vacance s'impose. J'ai besoin de me reposer et de développer mon écriture et mes idées afin de revenir en forme pour la rentrée. Cependant, je serai toujours active en story et en DM si besoin.
Je vous souhaite de bonnes vacances et rdv à la rentrée pour la suite de notre cheminement 🌺
Boutik Makrel disponible sur lafleurcurieuse.fr (lien dans ma bio)
C'est lors d'une de mes promenades nocturnes que je fis la connaissance d'une famille installée depuis la creation des quartiers De Briand et Godissard. Tout comme ma grand-mère, une ancienne, ils me racontèrent avec nostalgie cette époque où chacun vivait en bonne entente avec son voisinage.
Un voisinage qui pouvait faire office de banque, supermarché, crèche, etc. Mais du jour au lendemain, la modernité occidentale chamboula les moeurs d'antan.
Ces quartiers propres, fleuris et conviviaux sont maintenant abonnés par la population et municipalité : manque d'eclairage, accumulation des déchets, meutes de chiens errants, augmentation de la violence, etc.
Ében bondié ki sa ki rivé nou ?
Heureusement en se promenant entres les petites maisons et jardins, un certain charme y opère malgré tout.
Pawol grand moun, disponible sur lafleurcurieuse.fr (lien dans ma bio).
#sonjé #antilles #antanlontan #antillais #martiniquaise #martiniquais #martinique #caraïbes #history #contespéyi
Plantes médicinales et aromatiques de la Caraïbe de Christiane Portécop est un ouvrage destiné aussi bien aux enseignants qu'aux associations et personnel d'encadrement qui souhaitent realiser un projet relatif aux plantes médicinales. Ce livre interessera sans nul doute un plus large public qui pourra ainsi entreprendre un voyage instructif et formateur dans l'univers du patrimoine caribéen.
Un massage énergétique de @massage_lodisy contre les douleurs, refroidissement ou encore de dégagement, etc vous sera proposé par Christelle.
Jeu exclusivement pour les résidents de l'île de la Guadeloupe.
#jeuconcours
Massage de l'Oddisy @massage_lodisy propose des massages thérapeutiques traditionelles "fwotman" en guise de traitement contre les douleurs et refroidissement. Christelle, la practicienne propose également des massages énergétiques de dégagement. Un retour à la tradition qui traite l'homme dans sa globalité : plan physique et plan énergétique.
Un coup de coeur pour le savoir de Christelle, que je vous invite à solliciter en cas de besoin.
#massagetherapy
#massage #medecine traditionnelle #guadeloupe #fwotman #sonjé #spiritualité #mysticisme #laquimboiserie #rimèdanbafey #antilles #caraïbes #vaudou #voodoo
Le plus important à retenir est de toujours prendre du recul par rapport à vos actes. Avant d'accuser l'autre, il savoir s'auto critiquer pour mieux avanver.
La sorcellerie a bon dos, alors que la plupart du temps, le pichon vient de nous même.
N'oubliez pas qu'une plante à toujours deux facettes : chimique et mystique.
Introduction aux pratiques martiniquaises (compatible avec les pratiques guadeloupéennes) est un petit pdf qui delivre quelques bases sur la spiritualité du pays. Disponible sur le site (lien dans la bio)
#rimèdanbafey #rimedrazié #plantemedicinale #plantes #laquimboiserie #nature #spiritualité #mysticisme #antilles #caraïbes #jardincreole
Sur le peu de photos disponibles, le roi Béhanzin avait pour habitude de fumer une pipe. Dans le vaudou béninois, la pipe est liée à l'intronisation et aux rituels mystiques de protection de la personne royale. Des feuilles sacrées sont mélangées au tabac pour lui conférer une force surnaturelle. De ce fait, il est impossible d'atteindre le roi lorsqu'il a la pipe aux lèvres.
Hélas, lors de son exil à la Martinique, le roi fit la malencontreuse rencontre de ti Sapito. Un ti fèt chié qui avait osé faire une farce au roi alors que Papa djab en personne évitait le souverain....Antatay ! Heureusement que Man Fortuna, une brave femme passait dans les parages avant le carnage.
Yékrik ! Les boucles d'oreilles de Béhanzin disponible (écrit et audio) sur le site lafleurcurieuse.fr.
Magnifique illustration de @confluence_art_storytale
#contespéyi #yékrik #mysticisme #podcast #laquimboiserie #martinique #behanzin #vaudou #benin #histoire #contesetlegendes #kreyòl #kreyol
C'est lorsque j'ai entamé ma troisième au collège de Tartenson que j'ai su que le fort de Tartenson avait abrité un roi à la Martinique. Aucune trace de lui dans les contes alors que sa présence aurait pu aiguiser notre imagination collective.
Cependant d'après les anciens, on pouvait t'insulter en te disant : "ou ni chivé Béhanzin" car malheureusement à l'époque le cheveux nègre était renié. D'autres m'ont rapporté qu'ils connaissaient untel, yich dewò du roi dotés de quelques particularités. Encore une fois sur cette partie de l'histoire, les mémoires s'estompent.
Rdv ce mercredi pour découvrir un conte sur l'exil du roi dans les bois de la Martinique afin que son passage reste dans nos mémoires.
#martinique #dahomey #benin #histoire #history #sonjé #laquimboiserie #caraïbe #behanzin #blackhistory
J'ai découvert les sosyete à travers la littérature haïtienne. Les auteurs n'hésitaient pas à dénoncer avec un humour piquant, les nombreux pouvoirs et dérives de ce genre de communauté. Entant que maîtres de la nuit, il faut parfois marchander avec eux pour pouvoir circuler en toute sérénité.
Raphlee, jeune écrivaine haïtienne partage donc cette fois-ci sa terrifiante rencontre avec une sosyete dans un katchimen.
Faits insolites en Haïti : Sosyete disponible sur le site lafleurcurieuse.fr (lien dans ma bio)
#mystèrespéyi #haïti #caraïbe
Ce roman trace sans complaisance un portrait plus qu’acide de l’homme politique. Il lance une autre réflexion sur les mythes fondateurs d’Haïti et aborde le sujet tabou des relations entre le pouvoir et les sociétés secrètes.
En effet, sur cette île tout comme les autre, ce ne sont pas les urnes qui régit la politique mais bel et bien les cimetières. Lieu de rencontre entre les politiciens et les sosyete, loup-garou, esprits et d’autre entités nocturnes qui commandent la nuit.
Hannibal Sérafin grand ambitieux politicien est prêt à tout pour devenir le prochain président quitte à laisser Agwe, dieu des eaux koké douze fois sa belle femme sur une barque sacrée. Mais dans cette course effrénée vers le pouvoir, un diable estime qu’il est temps pour lui de sortir de sa montagne pour assouvir sa vengeance.
Heureusement, que la mambo Sorel veille à l’harmonie, tout en rendant fou d’amour et de passion Sonson Pipirit un ancien politicien, en le faisant jouir en haut d’un arbre sacré. Selon lui, la mambo Sorel transformée en loup-garou éveille chaque particules de son corps en le dévorant sur les autels sacrées. Ceux qui feront les offusqués, ne connaissent pas ce genre de plaisir délirant !
Un conflit cosmique, où l’humour est mêlé à un érotisme coloré et fantastique. Encore une belle œuvre de @garyvictor7
#livrestagram #livres #livresaddict #booklover #books #instabook #litteraturecaribeenne #litteraturehaitienne #roman #instabookclub #lecturedujour #lecturesdumoment #bookstagrammer #bookaddict #livrepeyi #avislecture #lire #haïti #caraïbes #littérature #afrobook
J'étais enceinte gwo bouden et je suis allée un mercredi au cimetière pour fleurir la tombe de mon grand-père maternelle.
Antatay, ma belle mère avait hurlé en brûlant des feuilles car selon elle, le mort pouvait aller dans mon ventre donc se réincarner via ma fille. Et de plus selon elle, il y a des jours précis pour aller au cimetière afin d'être protégée (je ne m'en rapelle plus).
Réincarnation ou pas, elle a beaucoup de point commun avec mon grand-père. Man bien kontan sa.
Ps : quand la femme ne pouvait plus aller travailler dans les champs suite à son accouchement, le voisinage s'arrangeait pour la nourrir afin qu'elle ne manque de rien. Koté ou ka wè sa anko?
#martinique #guadeloupe #antilles #antillais
#caraibes #caraibeanpeople #westindies #laquimboiserie
Laissez un commentaire