Conte

La tradition orale aux Antilles


Pour toutes les civilisations africaines la parole est sacrée et omnipotente. D’origine divine, elle est la matérialisation des vibrations et forces de la création. La parole humaine, don de Dieu, met en mouvement ces forces, les actionne et les suscite, elle est donc créatrice.

La parole on la touche, on la voit, on l’entend, on la sent, elle offre une perception totale, une connaissance où tout l’être est engagé. Premier élément de la communication, elle établit la communion et l’harmonie. En donnant à l’homme le verbe, Dieu lui a délégué une part de sa puissance créatrice. C’est par la puissance du verbe que l’homme, lui aussi, crée.

Le poète de la Négritude n’est pas en reste lorsqu’il professe « Et je dis et ma parole est paix et je dis ma parole est terre ». Le maître de la parole bambara, le dyeli, le griot, le majolè (Martinique), le conteur dans les Amériques Noires a donc hérité du don de la parole, même s’il y a lieu de faire une distinction entre parole profane et parole sacrée. Le maître de la parole africain se doit de respecter la parole d’autant qu’il s’agit de transmettre un patrimoine ancestral.

Un vieil adage africain dit d’ailleurs « celui qui gâte sa parole se gâte lui-même ». Cette valeur d’engagement liée à la parole a longtemps été le modus vivendi des sociétés américaines de la Plantation. Cette parole donnée et reçue, ce code de l’honneur véhiculé par les africains déportés que l’on retrouve dans cette maxime martiniquaise « la parole de l’homme vaut l’homme » a permis la survie, l’harmonie sociale et la cohésion du groupe.

La pratique de la tontine ou du sousou, du lasotè ou du kumbite africains dans les Amériques Noires en offre des exemples.

La parole africaine en tant que parole de l’ancêtre a survécu, à travers les contes, les proverbes, les devinettes, les mythes, les hymnes, les louanges et les rites dans le monde américain. Les veillées mortuaires, les veillées de travail ou les veillées récréatives appelées « véyé la lin klè » en Martinique ont fait du conteur le détenteur de la connaissance, le lien avec l’ancêtre, la voix de la sagesse populaire.

En tant que parole collective elle était préservée comme telle grâce à des formules d’ouverture ou de clôture identiques à celles que l’on retrouve pratiquement dans toutes les aires culturelles africaines.

Le conteur Bambara dit « Niata yoromé niablayé », (J’ai laissé mon conte là où je l’ai vu). Le conteur fon dit : « Je remets le conte là où je l’ai pris » ou « Mon conte a couru vite pour tomber sur ». Le conteur martiniquais dit « yo ba mwen an kout pié é mwen tonbé pou rakonté zot sa » (j’ai reçu un coup de pied et j’ai atterri pour vous raconter mon histoire).

Parole profane, parole de nuit, elle était protégée par l’obscurité grâce à un interdit extrêmement répandu en Afrique. Dire des contes pendant la journée exposait le transgresseur à une métamorphose destinée à lui faire perdre toutes les capacités liées à la parole, à le vider.

Le conteur se transformerait en panier (Martinique), en bouteille (Guadeloupe) ou en cadavre (Haïti). La parole sacrée, quant à elle, proférée dans le cadre de l’initiation au sacré a permis la survie d’un riche corpus de mythes transmis de génération en génération.

La parole sacrée transposée dans les Amériques noires a aussi permis la réinterprétation des cultes africains et la naissance de pratiques religieuses et spirituelles comme le Candomblé au Brésil, le Palo Monte et la Santería à Cuba, le Vodou en Haïti etc.

La parole satirique est aussi une forme d’art privilégiée dans les civilisations négro-africaines. Elle agit comme une soupape de sûreté dans la société. Souvent formulée à travers des chansons, et des expressions elle décourage les confrontations directes, désagréables et dangereuses. Elle sert à critiquer les supérieurs, les autorités, les vaniteux sous une forme gouailleuse, sarcastique et mordante apte à provoquer le rire et la moquerie publique et ainsi décourager toute envie de répression.

L’art africain de la parole, la parole de connaissance efficace et éducative, didactique et pédagogique, explicative et satirique a, jusqu’à la pénétration massive du système éducatif et des moyens de communication occidentaux, permis de préserver la cohésion sociale dans toute l’aire des Amériques noires.

Renoncer aujourd’hui à cet art signifie extirper une grande partie de l’Afrique en nous, exposer nos enfants au matraquage idéologique de la civilisation occidentale et livrer nos sociétés au pourrissement moral.

Source : L’Esclavage de l’Africain en Amérique du 16e au 19e siècle Les Héritages Emile Eadie, Liliane Fardin et Rodolphe Solbiac

Messieurs et dames,

Si je dis bonsoir c’est parce qu’il ne fait pas jour et si je dis pas bonne nuit c’est que la nuit sera la blanche ce soir comme cochon-planche dans son mauvais samedi et plus blanche même qu’un béké sans soleil sous un parapluie de promenade au mitan d’une pièce-canne Yékrik!

Yékrak !

Mais si le béké est dans la pièce-canne il reste toujours sur son cheval bien droit et bien haut comme un lélé de canari alors que dans l’herbe sous les zanma pas au dessus mais pile au dessous c’est le kongo qui donne sa sueur sans même savoir parler fwansé dire un hak pour que quelqu’un comprenne et sans même comprendre fout ! qu’il y a des pays comme ça où la mer est par-devant, la mer par-derrière, la mer est à tribord et à bâbord et que le plus grand chemin du pays c’est le chemin de la mer qui n’a pas de chemin même pour un canot même pour deux canots même pour dix-sept mille canots.

Solibo le Magnifique de Patrick Chamoiseau

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